(Unità Naziunale – 8 février 2018 – 15h30) Jean-François Casalta, Avocat au Barreau d’Ajaccio et Conseiller territorial « Pè a Corsica » s’exprime dans une tribune sur Twitter. La voici, avec son autorisation :
La rencontre n’a pas eu lieu.
La Corse attendait un Président girondin convaincu de la nécessité d’œuvrer à la solution politique d’un demi siècle de conflit, désireux, enfin, de prendre toute sa part à la construction d’une société insulaire apaisée.
Las ! Le Président Macron, autoproclamé du monde « nouveau » fut, pour trop d’entre nous, l’amère madeleine d’un temps que nous pensions à jamais révolu.
Aucune des revendications essentielles du peuple Corse, dont il nie l’existence même, validées par le suffrage universel à quatre reprises depuis décembre 2015, n’emporta son agrément.
La concession d’une inscription de la Corse dans le marbre constitutionnel, au rang du droit commun des régions, n’étant que l’obole consentie à la permanente solitude d’une main tendue.
Si le chef de l’Etat français s’est rendu en Corse les 6 et 7 février dernier, c’est uniquement pour rassurer les siens parmi lesquels on compte, pêle-mêle, la famille du préfet Erignac, Jean Pierre Chevènement, la famille Zuccarelli, Madame Castellani, Monsieur Mondoloni, Monsieur Marcangeli ainsi que tous ceux qui peuvent constituer une opposition à la majorité territoriale et un frein à la propagation, perçue comme virale, des idées nationalistes.
Il devait convaincre qu’« ici on est en France » ! Pour preuve le nombre impressionnant de drapeaux français et européens dans la salle du centre culturel, et qu’il n’allait pas s’en laisser conter par des séparatistes déclarés ou insincères.
Mais de tout cela, il faut s’accommoder, en étant persuadé que le travail entamé et à fournir ainsi que les combats à mener sauront venir à bout des résistances les plus farouches.
L’absence de considération, le mépris, sont des flétrissures autrement plus douloureuses surtout quand elles ne sont pas ressenties personnellement mais par tout un peuple au travers de ses représentants démocratiquement élus.
Monsieur Macron avait peut-être le droit de tout refuser, le droit de passer sous silence le rapprochement des prisonniers politiques malgré la promesse faite la veille à l’épouse de M.Colonna, celui d’exclure la co-officialité de notre langue et d’écarter le statut de résident, celui de nous dire que nous étions comptables de nos mauvais résultats et responsables de la spéculation, celui de nous expliquer que le bilinguisme est une vertu, celui de nous annoncer la possibilité prochaine de téléphoner comme ailleurs et de nous offrir le bienfait de la « couverture réseau » comme jadis l’homme blanc jetait de la verroterie aux peuples indigènes, celui de vouloir jouer les apprentis-sorciers en souhaitant adapter les lois « Littoral et Montagne » ; M.Macron avait même le droit de nous expliquer, avec force détails, que la Corse est une île de Méditerranée.
Il avait encore le droit de venir flanqué d’un ennemi déclaré de la Corse, génial décideur de la mise en place d’un préfet criminel qui commandita l’incendie de plusieurs établissement au prétexte du respect de l’état de droit.
Il avait enfin le droit d’exiger que le drapeau tricolore fut mis au fronton du grand hôtel.
Mais pesaient également sur lui des obligations ; le respect d’autrui est pour chacun un devoir, fut il chef d’Etat.
De dire qu’il y a des choses qui « ne se plaident pas » pendant une commémoration aux côtés de la famille du défunt et devant l’ancien conseil d’Yvan Colonna, présent en sa qualité de Président du Conseil Exécutif ; cela, il n’en avait pas le droit.
Refuser de se voir accueilli, à l’assemblée de Corse, par les conseillers territoriaux élus à une majorité absolue par le Peuple Corse, il n’en avait pas le droit.
Faire fouiller de manière humiliante des élus, y compris les présidents du Conseil Exécutif et de l’Assemblée, qui se rendaient à son allocation, il n’en avait pas le droit.
Interdire que fut placée une seule Bandera dans la salle de l’Alb’Oru où il prononça son discours, malgré sa demande d’un drapeau tricolore à l’assemblée de Corse et oubliant à dessein la Bandera qu’il plaça en arrière-plan à Furiani pour les besoins de sa campagne, il n’en avait pas le droit.
Ne pas réserver de places dans ladite salle pour les conseillers territoriaux, placer les Présidents et le Conseil Exécutif au 5ème rang après les avoir fait patienter debout, une quinzaine de minutes, sous les regards curieux du public confortablement assis, il n’en avait pas le droit.
D’humilier la Corse en méprisant ses représentants, il n’en avait pas le droit au regard du principe sacré d’un respect dû à tous, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Mais loin de nous affaiblir, ce genre de blessure, qu’il faut évidemment relativiser au regard de tous les sacrifices consentis par les militants pendant ces années de conflit et aujourd’hui encore, nous renforce dans nos convictions et dans la pertinence des luttes démocratiques qui restent à mener dans l’intérêt supérieur du Peuple Corse, dont l’immanence réside dans le cœur et l’esprit de tous les habitants de ce pays, qui peut sereinement souffrir, pendant longtemps encore, le dédain de tous les Macron du monde.
7 février 2018