Corsica Libera brandit la figure de Napoléon Bonaparte. Jusque-là raillé par le mouvement nationaliste, le premier empereur des Français revient en force sur le devant de la scène. « Incroyable », diront les plus fervents défenseurs de Napoléon Ier,« chiche »rétorque l’exécutif de Corsica Libera.
C’est une conférence de presse surprenante qui s’est déroulée hier à l’assemblée de Corse. L’exécutif de Corsica Libera, au premier rang duquel on notait la présence des conseillers territoriaux Jean-Guy Talamoni et Véronique Sciaretti, ainsi que les candidats aux élections législatives, ont présenté le volet touristique de leur agenda « Corsica 21 », en insistant plus particulièrement sur l’aspect culturel. Ils parlent des atouts de la Corse et extirpent de l’Histoire, non pas un atout de cœur, mais une carte maîtresse : « Nous avons un atout majeur à notre disposition et qui n’a pas, jusqu’à présent, été mobilisé au service de notre économie : la figure de Napoléon Bonaparte », a lancé d’entrée Jean-Guy Talamoni.
Rappelant les rapports complexes et ambivalents entre la Corse et l’Empereur, le leader nationaliste a regretté une approche dichotomique ayant opposé la figure de Napoléon à celle de Paoli, le premier s’étant détourné de la Corse et ayant eu un comportement négatif à l’égard de ses compatriotes, le second étant en revanche considéré comme le héros de la Corse. « Le mouvement national est pour beaucoup dans cet état d’esprit qui s’est installé depuis fort longtemps. C’est bien ce mouvement qui a permis de maintenir vivant un véritable culte, parfaitement mérité, rendu au Babbu di a Patria », considère l’élu, précisant que cette opposition Paoli-Napoléon a sa « logique et sa légitimité ». Toutefois, comme toute vision dichotomique, elle mérite d’être revisitée. « Le mouvement patriotique corse a entre-temps mûri et il est désormais en mesure de continuer à mobiliser le sentiment national à travers une grille de lecture plus fine », prévient Corsica Libera.
Jean-Guy Talamoni fait observer, par exemple, que Bonaparte, qui a précédé Napoléon, fut à vingt ans patriote et indépendantiste corse. « Il faut surtout rappeler que Napoléon Bonaparte fait pleinement partie de l’histoire de la Corse et qu’il fut un enfant de la Révolution corse (1729-1769) avant d’être le produit de la Révolution française », justifie-t-il, en insistant sur la force de l’épopée impériale qui ne connaît pas d’essoufflement. Napoléon, atout touristique à l’Île d’Elbe, dans le Lubéron, à Montereau où un parc à thème va se construire… « La Corse persiste à ignorer l’Empereur, alors qu’elle en est la patrie d’origine », avance l’élu.
Aujourd’hui Pasquale Paoli souffrant d’un déficit de notoriété à l’extérieur de l’île, les nationalistes souhaitent utiliser la figure de Napoléon pour faire connaître Pasquale Paoli et la Révolution corse du XVIIIe siècle, qui fut un véritable laboratoire des Lumières. « Cette démarche faciliterait la mise en valeur d’autres atouts touristiques, comme la collection Fesch, laquelle, directement liée à la famille impériale, présente en elle-même un attrait considérable au plan de l’histoire de l’art », assure Corsica Libera.
« L’Empereur fait partie de notre patrimoine »
Le mouvement propose donc une politique de promotion touristique sur le thème de Napoléon. Outre la revalorisation des lieux et monuments déjà existants, les nationalistes mettent sur la table un certain nombre de propositions : deux instituts universitaires jumelés, un institut d’études napoléoniennes et un institut d’études paoliennes et révolutionnaires corses ; une bibliothèque-médiathèque napoléonienne reliée à la bibliothèque de Corse, déjà prévue par la CTC, ainsi qu’à la médiathèque de l’université de Corse ; un musée Napoléon, lié à un musée d’histoire de la Corse. Et pourquoi pas un parc à thème sur Napoléon. Toutes ces propositions seront adressées à la collectivité territoriale de Corse dans les prochains jours.
« L’objectif de ces structures serait bien évidemment de faire de la Corse un lieu de référence incontournable dans ces matières, ce qui aurait un grand nombre de retombées positives en terme de notoriété, mais également d’impact économique »,indiquent les élus et candidats. Les nationalistes précisent aussitôt qu’il n’est nullement question de faire de Napoléon un second Babbu di a Patria, ni même de réduire le tourisme culturel aux seules figures de Napoléon et de Pasquale Paoli.« Nous estimons simplement que l’Empereur fait partie de notre patrimoine et qu’il convient de nous réapproprier un personnage essentiel de l’histoire de la Corse et de l’histoire du monde, pour en faire l’une des portes d’entrée sur la culture corse ».
« Les hommes sont ce qu’on veut qu’ils soient »,affirmait souvent Napoléon Bonaparte. Hier anticorse, aujourd’hui natif de Corse, figure planétaire qui peut servir à la cause corse. Napoléon, le retour. Derrière Pasquale Paoli, bien sûr. Pour Corsica Libera, il est indispensable de se réapproprier l’image de Napoléon pour remettre Paoli en lumière. Et de valoriser ces deux personnages historiques pour développer un nouveau tourisme culturel.
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