Yvan Colonna, jugé pour l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, a raconté à la cour d’assises de Paris l’histoire d’amour qu’il vit en prison et conteste qu’il s’agisse d’un stratagème.
Les parties civiles voient dans son mariage célébré le 3 mars à la prison de Fresnes une ruse pour humaniser son image, au moment où il répond pour la troisième fois de ce crime, le plus grave en quarante ans de violence politique en Corse.
« En aucun cas, il n’a été question d’un ‘plan com’ pour soi-disant m’humaniser. J’ai jamais eu l’impression d’être un extra-terrestre, de pas être un être humain », a-t-il dit à la cour, qui menait son interrogatoire.
« Je suis un être humain, j’aime, je pleure, je rigole comme tout le monde, mais on m’a déshumanisé », a-t-il ajouté. L’accusé a paru parfois au bord des larmes quand il évoquait son fils, âgé aujourd’hui de 21 ans. Il ne vient plus le voir en prison, dit-il, de peur de se retrouver seul à Paris.
Yvan Colonna, 51 ans, a réaffirmé à la cour qu’il était innocent de l’assassinat du préfet Claude Erignac, abattu de trois balles dans la tête le 6 février 1998.
Emprisonné depuis 2003 après une ‘cavale’ de quatre ans qui avait fait de lui l’homme le plus recherché de France, le berger de Cargèse a révélé avoir connu lors de cette fuite son épouse d’aujourd’hui, Stéphanie, agricultrice de son village, présente à la cour lundi dernier.
« C’est une histoire un peu particulière. Je l’ai connue quand j’étais recherché, je l’ai vue une fois, fortuitement. Ce n’est pas une personne qui m’a marqué alors. Je vivais une période troublée, je n’avais pas la tête à ça ».
PASSÉ NATIONALISTE
Après son incarcération, elle lui a écrit et un échange de lettres a commencé, en tout bien tout honneur, a dit Yvan Colonna, alors toujours en rapport avec la mère de son fils.
« En 2007, Stéphanie a fait une demande de visite, mais je ne l’ai pas laissée monter au parloir, par respect pour ma femme et mon fils », a-t-il dit.
Puis, lentement, « il s’est passé quelque chose », a dit le berger. Et l’idée est venue. « C’est la vie, je ne sais pas comment ça s’explique, moi qui avais toujours été contre le mariage… ». Juste après la cassation de sa deuxième condamnation à perpétuité, l’accusé a demandé et obtenu l’autorisation nécessaire du parquet.
C’est une indiscrétion non voulue qui aurait amené Le Monde et un journal régional à révéler l’événement, et c’est uniquement pour faire baisser la pression médiatique que la promise du berger aurait accepté de donner des entretiens au Nouvel Observateur et à RTL.
L’accusé a pour le reste repris le récit de sa vie, passée pour l’essentiel en Corse, hormis un intermède à Nice à l’adolescence et un service militaire à Paris dans les sapeurs-pompiers.
Yvan Colonna a redit, comme lors de ses deux premiers procès, qu’il avait été militant nationaliste jusqu’en 1989, avant de s’éloigner, assure-t-il, de ce milieu. Il dit n’avoir été que militant légal.
Même s’il n’a jamais été condamné, l’accusation souligne plusieurs « événements » laissant penser pour elle qu’Yvan Colonna a été poseur de bombes, voire pire, avant la mort du préfet.
Une perquisition au domaine Colonna de Cargèse avait amené en 1983 la découverte de mèches, de chargeurs et de cagoules. Il s’est rendu aux obsèques en 1984 d’un nationaliste tué par sa propre bombe. Il a été placé en garde à vue, sans suite, en 1994 dans une affaire d’assassinat.
L’ex-leader nationaliste François Santoni, aujourd’hui décédé, avait dit dans un livre qu’Yvan Colonna était un militant clandestin et lui imputait un rôle dans une tentative de meurtre sur sa personne en 1995.
Yvan Colonna souligne qu’il n’a jamais été mis en examen ni condamné et nie tout lien avec ces affaires. « François Santoni était un grand menteur et un grand manipulateur », a-t-il dit.
Le procès continue jeudi.
par Thierry Lévêque
Edité par Patrick Vignal
Reuters
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