(Unità Naziunale publié le 29 novembre 2018 à 16h01) Voici le discours prononcé par le Président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni.
Chers collègues,
Je ne peux pas ouvrir cette séance de l’Assemblée de Corse sans parler du phénomène des « gilets jaunes ». Vous les avez certainement vus dans la rue depuis le 17 novembre et, aujourd’hui, ils sont venus à la Collectivité de Corse pour manifester et demander une rencontre avec les élus. Nous avons donc organisé une conférence des présidents pour discuter avec eux.
Bien entendu, on ne peut pas considérer ce phénomène comme un mouvement puisque l’on y trouve des sensibilités très diverses. De plus, nous l’avons vu, il n’y a pas de leader désigné. Pourtant, les manifestants possèdent une certaine représentativité.
Pour ma part, je suis convaincu qu’il était nécessaire de discuter avec les porte-paroles dans leur diversité parce que nous pouvons comprendre leur colère.
Il fallait les recevoir aussi parce que ce phénomène a été, injustement, très méprisé par les politiques, particulièrement à Paris.
Ceux qui ont dénigré ces gens, qui n’ont vu dans leur démarche que quelque chose de prosaïque, se trompent. Réduire ce phénomène aux seules tentatives de récupération ou à la seule question fiscale, c’est n’avoir rien compris à l’action des gilets jaunes.
Pour notre part, nous voulons tenir compte de ce phénomène parce qu’il exprime clairement le malaise social et sociétal, en France et en Corse aussi.
Même s’il ne s’agissait que d’une question fiscale – ce que je ne crois pas – il faudrait rappeler que ces questions-là ont été à l’origine de plusieurs révolutions. Ce sont souvent les éléments qui semblent mineurs qui entrainent les plus grandes mobilisations. C’est une question fiscale qui a permis de renverser la domination génoise en Corse. La révolution américaine, elle aussi, part d’un problème fiscal. Ces deux révolutions, et d’autres, auraient donc été poujadistes avant l’heure ? Pour le moment, il ne s’agit pas là d’une révolution mais on ne peut ignorer cette démarche. Dans les propos de certains gilets jaunes, pas en Corse, nous avons entendu quelques discours populistes, démagogiques, antiparlementaristes ou politiquement extrêmes. Mais nous avons entendu aussi et surtout des discours de désespoir. En Corse et ailleurs.
Payer des impôts dans une société organisée est quelque chose de normal et de naturel. Mais les impôts doivent être des instruments de justice sociale. Aujourd’hui en France et en Corse c’est exactement le contraire et ce, de plus en plus.
Prenons la seule question de l’essence. Comme beaucoup, nous pensons que la transition écologique est une nécessité absolue. C’est même vital. Mais on ne peut pas dire aux gens « vous allez payer l’essence plus cher pour permettre la transition écologique, sans aucune autre compensation ». Pour une partie très importante de la population, en Corse particulièrement, la voiture représente le seul moyen de déplacement. Notre géographie et le fait que la Corse soit une île montagne réduisent considérablement nos modes de déplacement. Cette question du prix des carburants est stratégique, sur une île comme la nôtre particulièrement, elle l’est autant que celle des transports externes.
Je pense à cette mère de famille qui expliquait que l’essence représentait déjà une part importante de son budget mensuel mais qu’elle était obligée d’utiliser sa voiture pour aller travailler et accompagner ses enfants à l’école. « Comment vais-je faire quand le prix de l’essence augmentera à nouveau ? Vais- je devoir fixer des priorités ? Je ne pourrai plus conduire les enfants au sport ou voir leurs amis. Ainsi, nous n’aurons plus de vie sociale hors du travail ou de l’école ? », disait-elle.
Ces propos ne sont pas exagérés. Restreindre les déplacements, non seulement accentue la fracture sociale et territoriale, mais limite également les perspectives de vie, réduit l’horizon.
Pour de nombreuses personnes, pouvoir se déplacer est quasiment un besoin vital, comme respirer ou boire. Je crois, pour ma part, que la capacité à se déplacer fait partie des communs, comme l’eau ou l’air, en raison de sa fonction sociale. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en œuvre par exemple la « Carta ritirata ». Pour que les retraités les moins aisés puissent ouvrir leur horizon, leurs perspectives de vie. Pourtant, la hausse du prix du carburant nuit au droit fondamental de circuler. Et entraver ce droit conduit sans nul doute à des situations d’exclusion.
Nous ne pouvons l’accepter. Les pouvoirs publics ne peuvent laisser un domaine aussi stratégique être géré uniquement par le marché.
En Corse, vous le savez, sur cette question de l’essence, il y a également un collectif appelé « Agissons contre la cherté du carburant en Corse ». Ses responsables m’ont demandé un entretien et je les ai reçus il y a deux jours. Ils m’ont exposé leur point de vue sur la question qui a motivé leur mobilisation et sur les difficultés sociales qu’elle entraîne pour de nombreuses familles corses. J’ai également échangé longuement avec le représentant en Corse de la société Vito, à savoir son Directeur général, ce afin d’engager sans tarder un processus de discussion permettant à la fois de sortir des polémiques, et de traiter une situation pour le moins préoccupante pour le pouvoir d’achat en Corse. J’ai proposé d’organiser une rencontre entre, d’une part, le Directeur général et le Président du groupe Vito, et, d’autre part, les représentants du collectif. Les deux parties ont accepté ma proposition. La rencontre aura lieu ce lundi 3 décembre et je vous tiendrai informés des suites.
Pour terminer, je veux rappeler que nous sommes très soucieux de la transition écologique. Je l’ai dit, il est vital d’inventer de nouvelles pratiques dans chacune de nos activités. Nous sommes tous prêts à franchir les pas qu’il faudra.
Mais nous n’accepterons pas que cette transition ne soit pas accompagnée de mesures de justice sociale et qu’elle exclue ainsi des gens de la société.
Au-delà de la question de l’essence, de manière générale, il est plus que temps de traiter avec détermination la question sociale. Nous, élus corses, n’avons pas tous les moyens nécessaires mais, si nous travaillons ensemble, avec notre foi, nous pouvons changer les choses pour les Corses qui en ont le plus besoin. Nous avons commencé, c’est vrai, mais nous devons désormais y mettre toutes nos forces.
Je vous remercie.
JeanGuyTalamoni
Président de l’Assemblée de Corse
29 novembre 2018
Care culleghe, cari culleghi,
Ùn possu principià sta sessione di l’Assemblea di Corsica senza parlà di u fenomenu di i « gilets jaunes », si puderebbe dì in corsu « i curpetti, o i ghjilecchi gialli ». L’avete sicuramente visti in carrughju dapoi u sabbatu 17 è oghje sò ghjunti quì, à a Cullettività à manifestà è à dumandà un scontru cù l’eletti. Avemu dunque urganizatu una cunferenza di i presidenti.
Di sicuru, ùn pudemu micca per avà cunsiderà stu fenomenu cum’è un muvimentu chì, dentru, ci si trovanu sensibilità diverse assai.
D’altronde, l’avemu vista, rispunsevuli disignati da tutti ùn ci n’hè. Eppuru, i manifestanti anu una certa riprisentatività.
Per contu meiu sò cunvintu ch’ellu ci vulia à cuntrastà cù i portavoce in a so diversità, perchè a so zerga, a pudemu capisce.
Ci vulia à riceve li dinù perchè stu fenomenu hè statu, inghjustamente, disprezzatu assai da i pulitichi, in particulare in Parigi.
À quelli chì anu avutu un sguardu di disprezzu, à quelli chì anu dinigratu sta ghjente, chì anu vistu in a so dimarchja qualcosa di prusaicu, li dicu : « vi sbagliate ». Vulè riduce stu fenomenu à e sole prove di ricuperazione o à a sola quistione fiscale, ghjè ùn avè capitu nunda à l’azzione di i ghjilecchi gialli.
Per contu nostru, vulemu tene contu di stu fenomenu perch’ellu sprime chjaramente u malesse suciale è sucietale, in Francia è dinù in Corsica.
Ancu puru s’ella era sola una quistione fiscale, ciò ch’ùn credu micca, ci vulerebbe à ramentà chì ste quistione custì sò state à l’urigine di parechje rivuluzione. Sò à spessu l’elementi chì parenu minori chì portenu e più grande mubilizazione. Ghjè una quistione fiscale chì hà permessu di fà cascà a duminazione genuvese in Corsica. A rivuluzione americana ancu ella parte da un prublema fiscale. Allora, ste duie rivuluzione, è parechje altre, serebbenu state « pujadiste » nanzu l’ora ?
Per avà, quì, ùn si tratta di revoluzione ma a dimarchja ùn si pò ignurà.
In e parolle di certi ghjilecchi gialli, hè vera, avemu intesu unipochi di discorsi pupulisti, demagogichi, antiparlamentaristi ò puliticamente stremi, micca in Corsica. Ma avemu intesu dinù, è sopratuttu, discorsi addisperati. In Corsica è in altrò.
Pagà l’impositu in una sucetà urganizata ghjè una cosa nurmale è naturale. Ma l’impositu deve esse un strumentu di ghjustizia suciale. Oghje in Francia è in Corsica hè esatamente u cuntrariu, è di più in più.
Pigliemu a sola quistione di l’essenza. Cum’è parechji, pensemu ch’ella hè assulumente necessaria a trasizione eculogica. Hè ancu vitale. Ma ùn si pò micca dì à a ghjente « avete da pagà l’essenza più cara per permette a trasizione eculogica, senza nisuna altra cumpensazione ». Per una parte impurtantissima di a pupulazione, sopratuttu in Corsica, a vittura riprisenta u solu modu di spiazzamentu. A nostra geugrafia è u fattu chì a Corsica sia un’isula muntagna, custringhje assai a nostra manera di spiazzà ci. Sta quistione di u prezzu di l’essenza hè strategica assai, particularamente in Corsica. Si pò assimilà à u duminiu di i trasporti esterni.
Pensu à sta mamma chì dicia chì l’essenza riprisentava digià una parte maiò di u so bugettu di u mese, ma ch’ella era custretta à piglià a vittura per andà à travaglià è per purtà i zitelli à a scola. « Cumu aghju dà fà quand’ellu crescerà torna u prezzu di l’essenza ? » dicia. « Mi ci vulerà à sceglie e mo priurità? Ùn puderaghju più purtà i zitelli à u sport o à vede i s’amichi ? Tandu, vole dì chì vita suciale fora di a scola o di u travagliu ùn ne averemu più ? »
Ùn esagereghja mancu appena sta mamma. Stringhje i spiazzamenti, non solu accresce a rumpitura suciale è territuriale ma ancu limiteghja e perspettive di vita, ristringhje l’orizonti.
Per parechje ghjente, pudè spiazzà si hè guasi un bisognu vitale cum’è rispirà o beie. Pensu eiu chì a capacità à spiazzà si face parte di i cumuni, cum’è l’acqua o l’aria, per via di a so funzione suciale. Hè per quessa chè no avemu messu in ballu per esempiu a carta ritirata. Per chì i ritirati menu ricchi possinu apre u so orizonte, e so perspettive di vita. Eppuru a crescita di u prezzu di u carburante nega u drittu fundamentale di circulà. È tuccà à stu drittu ghjè cunduce a ghjente, di modu sicuru, à situazione d’esclusione.
Quessa, ùn la pudemu accittà. Un duminiu cusì strategicu, nantu à un pianu suciale è sucietale, i puderi publichi ùn lu ponu lascià rigulà da u solu marcatu.
In Corsica, a sapete, nant’à a quistione di l’essenza c’hè dinù un cullettivu chjamatu « Agissons contre la cherté du carburant en Corse ». M’anu dumandatu i so respunsevuli un appuntamentu è l’aghju ricevuti l’altru eri. Anu fattu valè u so puntu di vista nant’à stu tema è nant’à e difficultà suciale per numarose famiglie corse.
Aghju avutu dinù un scambiu cù u Direttore Generale di a sucetà Vito, di manera à pudè ingagià discussione à a lestra per sorte di e pulemiche è per trattà una situazione chì ci dà u pinseru à tutti.
A sapete, aghju prupostu d’urganizà un scontru trà Vito è u cullettivu. Tramindui anu accitattu è a reunione si tenerà luni u 3 di dicembre. Vi feraghju parte di e seguite di stu scontru.
Per compie, vogliu ramintà chè no simu primurosi assai di a trasizione eculogica. L’aghju detta nanzu, hè vitale d’inventà novi modi di fà in tutte e nostre attività. Simu tutti pronti à francà i passi chì ci vole. Ma ùn accetteremu micca chì sta trasizione ùn sia accumpagnata da misure di ghjustizia suciale, è chì ella cacci cusì ghjente da a sucetà.
Eccu per l’affare di l’essenza, ma di modu più generale, hè ora è più chè ora di trattà incù determinazione a quistione suciale. Noi altri, eletti corsi, ùn avemu micca tutti i mezi necessarii ma, s’è no travagliemu inseme incù a nostra fede, pudemu cambià e cose per i Corsi chì ne anu u più bisognu. Hè vera, avemu principiatu, ma ci vulerà, oramai, à mette ci tutte e nostre forze.
À ringrazià vi.