(Unità Naziunale Publié le 29 septembre 2018 à 13h01) L’intervention de Marc Biancarelli durant l’émission Cuntrastu dont l’invité était Gilles Simeoni a fait mouche. Elle a lancé un débat que le nationalisme ne peut esquiver car la violence, qu’elle soit politique ou de droit commun, a pris, et occupe encore, une part beaucoup trop importante dans la société corse.
En quelques semaines, les règlements de comptes mafieux, à Lucciana/Puretta, Bastèlica et Aiacciu, aussi bien que des rixes effarantes faisant s’affronter, à Bastia comme à Aiacciu, des groupes entiers de jeunes ou moins jeunes, nous rappellent que l’évolution paisible, loin de toutes les violences, politiques ou de droit commun, de la société corse est loin d’être acquise.
Au contraire, les signaux d’une empreinte de la violence sur le quotidien des citoyens vont au delà des faits divers qui font, trop souvent, la « une » de l’actualité insulaire. On apprend ainsi, au détour d’un article de la presse hexagonale, que l’obtention d’un marché convoité dans le secteur des déchets s’accompagne systématiquement de l’usage d’une voiture blindée pour ses déplacements. Ou que la drogue et son trafic, mère de toutes les délinquances, se répand chaque jour davantage. Ou que la « case prison » est souvent recherchée par les familles pour mettre certains de ses proches à l’abri des risques de règlements de comptes. Ou encore que l’on peut mourir en allant paisiblement à une partie de chasse en raison d’une «méprise», parce que votre véhicule est semblable à celui d’une cible potentielle d’un règlement de comptes dont vous croisez la route. Etc.
Il n’y a pas deux mondes qui s’ignorent, celui des « honnêtes gens » et celui du «milieu ». Ils se croisent, se côtoient, interfèrent et toutes les « zones grises » que cela génère finissent par polluer la société dans son ensemble. Par cycles réguliers, la violence revient troubler le cadre de vie de ceux qui ne demandent qu’à vivre en paix, et en toute honnêteté.
La société corse veut en finir une fois pour toutes. La violence est de moins en moins acceptée, et l’opinion s’interroge chaque jour davantage sur cette « prégnance mafieuse » qui pollue le climat économique et social. Nul n’en est exclu, le mouvement nationaliste en a sa part, inévitablement. Il doit gérer l’héritage des années 90, et il doit se tenir très loin des agissements de nouvelles mafias qui régénèrent l’héritage des anciennes. Les solidarités sont à proscrire, quelles qu’elles soient.
Ainsi, Gilles Simeoni répond à Marc Biancarelli :
« non la Corse n’est pas guérie ! Nous n’avons pas rompu avec nos fantômes et nos démons », tout en ajoutant : « il ne peut pas y avoir de garantie absolue, c’est un travail en permanence, (…) pour rompre avec le traumatisme des années 90 (…) pour rompre avec des logiques et des mécanismes ».
Car ce traumatisme de l’affrontement entre nationalistes est toujours là, perceptible, qui amène de nombreux Corses comme Marc Biancarelli, et d’autres qui partagent comme nous le projet d’une Corse émancipée, à exprimer leurs doutes, leurs réserves, et même leurs retraits, alors que la construction d’une Corse nouvelle a tant besoin d’eux, de leurs esprits ouverts et libres, et de leurs questionnements critiques.
Il faut « guérir » du poison de la violence, car cette guérison est, et sera, une exigence croissante du peuple corse.