Allocution prononcée, le mercredi 4 janvier 2012,par M. Paul Antoine Luciani, premier adjoint au maire d’Ajaccio,au nom de la majorité municipale, à l’occasion de la cérémonie des vœux adressés par le maire aux personnels communaux.
Monsieur le maire, cher Simon, Mesdames, Messieurs les élus et fonctionnaires territoriaux,Chers amis,
En définitive, la cérémonie traditionnelle qui nous réunit chaque année, à l’occasion des vœux, présente malgré son caractère un peu rituel deux avantages majeurs : elle nous aide à mesurer, à date fixe, le chemin parcouru ; elle nous projette vers le futur immédiat. Nous pouvons ainsi procéder, collectivement et régulièrement, à un double exercice de rappel et d’annonce…
A l’approche de la cérémonie d’aujourd’hui, je me suis souvenu que, l’année dernière à pareille époque, le mercredi 5 janvier très exactement, j’avais salué nos dix ans de mandat et j’avais esquissé un premier bilan chiffré de notre action. Une décennie, c’est une tranche d’histoire, une durée symbolique qui appelle en général une évaluation précise et contradictoire.
L’exercice est plus complexe qu’il n’y paraît. D’abord parce que les projets municipaux n’entrent pas tous dans la vie au cours d’un exercice budgétaire; ils couvrent, surtout les plus coûteux, plusieurs années. Ensuite parce que la Ville, qui reste le grand ensemblier de l’aménagement du territoire communal, bénéficie des réalisations d’autres maîtres d’ouvrage importants comme les chambres consulaires, le Conseil général ou la Collectivité territoriale de Corse ; et il n’est toujours simple d’attribuer à chacun ce qui lui revient en propre. Enfin parce que les décideurs locaux sont pris eux aussi par le tourbillon de l’actualité nationale et internationale et leur vue d’ensemble sur l’action locale peut en être brouillée.
Je n’ai pas renoncé pour autant à vous présenter, Monsieur le maire et cher Simon, quelques traces significatives du parcours qui a été le nôtre durant cette décennie. Je l’ai fait, très succinctement, dans le cadre du pacte communal qui nous lie et de la délégation que vous m’avez donnée, mais sans oublier la sensibilité qui est la mienne, Je vais y revenir. Je voudrais, au préalable, évoquer ce que j’ai appelé plus haut « le tourbillon de l’actualité nationale et internationale », et en rappeler quelques traits marquants et autres turbulences inédites intervenues pour partie au cours de l’année écoulée.
Ce qu’on appelle les révolutions arabes (elles sont parties d’une étincelle tunisienne) se sont transportées du Maghreb au Yémen et en Syrie ; elles sont en train de transformer le paysage politique global de cette région du monde ; Ben Ali et Moubarak ont été chassés ; Mouammar Kadhafi a été assassiné. Au Pakistan, Ben Laden a été capturé et liquidé. L’armée américaine a quitté l’Irak après avoir occupé et dévasté ce pays pour longtemps : je me souviens avoir cité ici même, en 2003, les termes que Pascal Quignard avait utilisés pour évoquer le déclenchement de cette deuxième guerre d’Irak. Je les rappelle car ils étaient saisissants de vérité : « une main terrible est intervenue brusquement sur la terre…elle a le son vert et neuf d’un dollar qui craque »… (1)
Ce « dollar qui craque » alimente aujourd’hui une crise financière sans précédent dont les conséquences sociales les plus graves sont peut-être encore à venir. On découvre avec effarement que des représentants de la finance internationale peuvent remplacer au pied levé, et sans processus électoral, des chefs d’Etat européens régulièrement désignés. On découvre avec colère que la confiance dans la capacité d’un pays à surmonter ses difficultés dépend d’une « agence de notation » peuplée de représentants de cette finance internationale. Ce sont les représentants des puissances d’argent (et non plus les élus du peuple) qui vont décider (et non plus simplement influencer) la politique des Etats !
Crise financière, crise sociale – selon certaines informations récentes, 900 usines ont été détruites en France en 5 ans ! – crise alimentaire, particulièrement révoltante qui détruit, chaque année, des dizaines de millions d’êtres humains ;un scandale dénoncé, notamment, par Jean Ziegler : « toutes les 5 secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim …alors que, dans son état actuel, l’agriculture mondiale pourrait nourrir 12 milliards d’êtres humains» (2) ; crise nucléaire aussi, encore plus terrifiante, avec le désastre de Fukushima : tous les ingrédients sont en de se réunir pour que s’installe une nouvelle « Grande Peur »…propice à toutes les déviances et à toutes les aventures réactionnaires.
Mais le pire n’est jamais sûr ! On constate, en effet, que les peuples réagissent. L’indignation mobilise… dans le monde entier ! Qui pouvait prévoir le fabuleux destin du petit ouvrage de Stéphane Hessel (ouvrage que nous avions salué ici même, il y a juste un an ) ? Depuis les indignés de Madrid jusqu’à ceux de Tel Aviv, de Rome, d’Athènes, de New York ou d’Ajaccio, on a vu monter, en quelques mois, une contestation générale sinon du système capitaliste lui-même, du moins de ses résultats les plus dévastateurs. Il y a là des motifs d’espoir !
Le pire, en effet, serait d’accepter son malheur… Il y a longtemps que l’on sait que la force des tyrans dépend de la résignation de leurs victimes : « Le discours de la servitude volontaire » d’ Etienne de la Boétie avait déjà expliqué ce phénomène, vieux comme l’humanité elle-même. Aussi, quand on apprend que 33 pays d’Amérique latine viennent de s’organiser en Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes (Celac), une communauté qui prend ses distances politiques et économiques avec les Etats-Unis et leur « dollar qui craque », on est bien obligé d’en déduire que l’ordre capitaliste des choses est en voie de mutation profonde.
Ajoutons à ces mouvements la nouvelle puissance financière de la Chine, qui est devenue une sorte de nouvelle banque mondiale…On voit bien que la planète est entrée dans une phase inédite de son évolution ; une phase qui peut inquiéter du fait des dangers qu’elle porte en elle ; mais une phase aussi qui met à l’ordre du jour une intervention populaire plus forte et plus imaginative.
Revenons en France où, comme partout en Europe, la politique de rigueur financière fait des ravages sociaux et démontre son inefficacité économique. Il faut entendre, en effet, par « politique de rigueur », celle que réclament et obtiennent ces fameuses agences de notation dont la mission véritable est de veiller aux intérêts des banques et des gros actionnaires.
La France, puissance économique aux patrimoines florissants, est aussi le pays d’Europe où les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres sont les plus grands : les organisations humanitaires y sont de plus en plus sollicitées, car les pauvres et les mal logés s’y comptent par millions.
Les mesures gouvernementales, toujours plus dures, aggravent les inégalités et les désordres, elles pèsent lourdement sur les finances locales. Car ce sont les collectivités locales qui sont obligées de compenser les désengagements de l’Etat, dont les dotations ont été bloquées. Comble de cynisme, le gouvernement, qui transfère des charges qui lui incombent sur les budgets des communes et des conseils généraux, reproche à ces mêmes collectivités de financer ses propres défaillances…alors que sa politique les contraint à assurer des missions qui relèvent de la solidarité nationale !
L’évaluation de notre action municipale et de ses résultats ne peut ignorer ce contexte global de plus en plus tendu, la restriction systématique des financements d’Etat, et les difficultés accrues pour recourir à l’emprunt du fait de la crise financière et de la méfiance des caisses prêteuses … on pourrait même soutenir que notre bilan décennal prend, dans de telles conditions, un relief particulier. La compétition entre territoires, savamment et systématiquement entretenue au plus haut niveau national et européen, impose en outre aux décideurs locaux une surveillance permanente des grands ratios financiers et un activisme de tous les instants dans la recherche de financements ….
Voici, pour l’année 2011, quelques exemples ajacciens : ils montrent que si l’on mobilise ses forces au bon niveau, on peut obtenir des soutiens et avancer, malgré les contraintes et les difficultés cumulées.
Nous avons fini l’année sur un véritable succès : nous avons obtenu, à Paris, le 13 décembre, pour nos projets hydrauliques, le label « PAPI », PAPI pour « Plan d’action de prévention des inondations » ; ce qui signifie que nous allons recevoir de l’Etat, sur la période 2012-2018, 13 millions et demi d’euros de subventions spécifiques : nous pourrons ainsi finaliser le plan de financement de nos ouvrages.
Je dois préciser que ce dossier, unique en Corse, n’a pu aboutir que grâce à un travail remarquable réalisé, en interne, par les services techniques de la Ville ; et aussi grâce à un partenariat étroit avec les services de l’Etat. Je tiens également à rappeler l’avis officiel (et écrit) de ces mêmes services à propos de notre dossier, je les cite : « la structure porteuse est très compétente et très impliquée ». On ne saurait mieux dire. Car on retrouve, résumées dans cette courte et forte appréciation, les deux qualités indispensables au bon fonctionnement du service public communal : le savoir faire et la conscience professionnelle ; la compétence et le civisme
Dans un autre registre (où l’on retrouve des caractéristiques identiques), 2011 aura été, malgré toutes les difficultés structurelles et les problèmes liés au contexte nouveau, une année de réalisations ; je les cite, en vrac : les premières opérations achevées du programme ANRU, avec la rénovation des tours des Salines et les logements de l’Office de l’Habitat aux Cannes ; avec les premières plantations aux jardins familiaux ; avec l’achèvement de l’école Candia et l’élargissement prochain de l’ancien chemin appelé à devenir une voie urbaine ; avec le nouveau bassin de rétention d’Alzo di Leva bientôt terminé ; tous maîtres d’ouvrage confondus, les dépenses liées au programme ANRU atteignaient déjà 30 millions d’euros à la fin 2011; et les grands ouvrages hydrauliques ne sont pas encore entrés en chantier …
Nous avons inauguré, en juin, les jeux d’enfants de la place Miot qui avaient été détruits par la tempête, un message adressé à nos concitoyens et à leurs enfants qui attendaient ces réparations.
Je n’aurai garde d’oublier la mise en service de la station d’épuration de Campu dell’ Oru, une réalisation attendue depuis des années et qui va permettre d’améliorer le cadre de vie des Ajacciens et relancer la construction. On notera que cette mise en service intervient en même temps que l’arrêt du Plan Local d’Urbanisme (PLU) dont l’un des points forts est la densification urbaine; la station de Campu dell’ Oru donne du sens et de la crédibilité à cette orientation inspirée des principes du développement durable.
S’agissant justement de développement durable, l’inauguration de l’Opération Grand Site illustre mieux qu’un long discours cette ligne d’action stratégique. Même commentaire à propos des 8 logements sociaux de la résidence Bonafedi, rue de La Porta Et si l’on ajoute à ce qui précède la délégation de service public pour les parkings et celle qui concerne le crematorium, on devra reconnaître une intense activité de nos services et une implication totale des personnels communaux.
On ne le dira jamais assez, rien ne peut se réaliser sans cette implication permanente qui ne se résume pas, je l’ai dit plus haut, à sa seule composante professionnelle. Il suffit d’examiner le comportement des personnels dans l’exercice de leurs missions : ils expriment de plus en plus, et de mieux en mieux, la conscience qui est la leur d’appartenir à la même communauté que les administrés qui sont aussi leurs concitoyens. Et ils se sentent par conséquent totalement concernés par l’amélioration du service public communal. Voilà un levier puissant qui, avec l’amélioration toujours nécessaire du dialogue social, permettra de nouveaux succès.
Sans prétendre à l’exhaustivité, je relèverai deux faits culturels de l’année 2011 qui ont une importance sociale et symbolique forte, la relance en fanfare de l’activité cinéma à l’Espace Diamant, et la monumentale exposition Choury qui a illustré avec éclat l’honneur qu’aura eu Ajaccio de se libérer la première de l’occupation fasciste…
Voilà, monsieur le maire, rapidement évoqués quelques éléments de notre activité de l’année écoulée. Une activité qui va encore se déployer au cours de l’année qui s’ouvre et qui va connaître une nouvelle montée en puissance en 2013 et 2014. J’ai pensé, comme je vous l’ai annoncé plus haut, vous offrir non un bilan complet de toutes ces années de travail au service des Ajacciens, mais vous en présenter, plus modestement, quelques traces, des traces que je crois significatives. Je l’ai fait à ma façon, et avec la sensibilité qui est la mienne, mais vous y retrouverez, j’en suis sûr, votre propre parcours et celui de notre équipe. Je l’ai agrémenté de quelques photos, car, comme le dit si justement Alexis Jenni (3), « Dire ne suffit pas ; montrer est nécessaire ». In lingua nustrale, ce document s’intitule « Vistighé vive ». Le voici, en priorité absolue, et dûment dédicacé
PACI E SALUTA, O SGIO MERRI !
Vous aimez cet article ? Faîtes-en profiter vos amis !
Faites passer l’information autours de vous en cliquant sur :