« ​La France et la #Corse : la confiance ou la distance ? » par @EdmondSimeoni

(Unità Naziunale – 25 janvier 2018 – 09h00) Nous arrivons à une période cruciale des choix qui seront faits dans les rapports, dans tous les domaines et d’abord politiques, entre la France et la Corse.

En effet, le Président du Conseil Exécutif- majorité territoriale- et le Président de l’Assemblée de Corse  – représentant celle-ci – ont deux rendez-vous essentiels d’abord avec le Premier Ministre le 22 Janvier 2018, à Paris,  puis avec le Président de la RF, sans doute le 6 Février à Ajaccio. Adossés à des victoires électorales, démocratiques et significatives  (élection municipale en 2014, élections territoriales de 2015 et 2017, élections  législatives de 2017), mandatés, ils assurent, de surcroît, à travers le président de l’Exécutif, la présidence de la Commission des Iles de la CRPM – gage de confiance-  qui leur ont demandé  de convaincre l’UE de la nécessité d’adapter enfin certaines de ses politiques aux différentes spécificités des territoires souffrant de multiples handicaps ( montagnes ; distance …).

La première réunion a eu lieu à Paris avec le Premier Ministre ; conforme aux prévisions ; tiède, conventionnelle, précautionneuse. Pour résumer, Mr Philippe «  n’a répondu ni aux attentes ni aux enjeux de la Corse ». Péripétie ou signe de mauvaise augure ? Le refus du dialogue politique est clair.

La seconde réunion a eu lieu avec le Président du Sénat : fermeture totale! 

La Corse est très attentive au climat, aux orientations et aux décisions qui seront prises. Il est nécessaire de rappeler brièvement le cadre général et le contexte de ces rencontres ; le but principal est de créer d’abord un climat de confiance entre les parties, confiance que les « Corses ont perdue dans l’Etat », selon les propos de Manuel Valls – un aveu terrible- lors d’un de ses déplacements dans l’île.

En effet, la confiance est l’ingrédient de base, fondamental, irremplaçable des sociétés démocratiques et des rapports entre les individus, les sociétés, les Etats, les nations. Sans elle, il ne peut y avoir de dialogue, fructueux, de partenariats fiables, d’accords pérennes, dans le strict respect des intérêts légitimes des parties  ; privés de ce socle, de ce viatique essentiel, les échanges puis les éventuelles  négociations engendreraient frustrations, réticences, méfiance, avec l’échec en prime.

Le succès, possible et souhaitable, est conditionné par la  capacité d’écoute réciproque, la volonté d’aboutir  par le dialogue ; toute approche nécessite une certaine capacité d’autocritique, non pas pour s’auto-flageller ou enraciner les griefs respectifs mais pour les dépasser en identifiant les erreurs qui ont généré à la situation actuelle, en écartant la possibilité de les renouveler ; mieux, en optant pour une attitude constructive et respectueuse. Qui serait la base de la nouvelle relation.

Les Corses ne peuvent pas oublier que l’acte fondateur de la présence française dans l’île, a été un acte de guerre, en 1769 à Pontenovu, acte qui a  privé la Corse -un Pays doté d’institutions démocratiques-, de sa liberté. Et que la répression fut terrible jusqu’en 1812. Le peuple corse sait que par la suite, le lien avec la France est devenu solide, renforcé par l’intrication des populations, les sacrifices consentis en commun lors des guerres, le partage d’un certain nombre de valeurs communes, universelles. Les Corses ont été loyaux au service de la France tant dans fonction publique métropolitaine et coloniale que sur les champs de bataille. On ne peut pas perdre de vue que la crise politique corse contemporaine dure depuis soixante ans dans des turbulences graves ; l’Etat a choisi la voie de la dénégation, de la répression ; il a multiplié les statuts inopérants et ce d’autant plus qu’ils n’ont été accompagnés d’aucun renouvellement démocratique ; au contraire, le clanisme, omnipotent, partisan docile de Paris, a dévalorisé et paralysé  les institutions. L’Etat a joué imposé une politique dilatoire et a espéré –  et espère encore peut-être – que la minoration progressive des Corses dans l’île et la vente à l’encan de leur terre, finiront par éteindre la contestation. Les résultats sont manifestement contraires à sa volonté.

Aujourd’hui la France est face à un choix déterminant ; les autorités élues démocratiquement de la Corse ont affirmé leur choix de dialogue pacifique, sans tabou et sans préalable, avec la volonté partagée de trouver une solution définitive et pérenne de la « question corse », conforme aux intérêts légitimes des parties ; elles ont d’ores et déjà formulé un certain nombre de propositions ; la violence a été abandonnée par les militants clandestins  comme moyen de lutte, désormais exclusivement démocratique.

Chacun sait, que en France, le Président de la République est la clé de voûte des institutions; il va se rendre incessamment en Corse.

La réponse de l’Etat est attendue par le peuple corse de l’île et de la diaspora – adossé au droit et à l’histoire- avec l’espoir  du  début d’une ère nouvelle, rompant définitivement le cercle dangereux et sans issue des affrontements pour préparer, en commun, un avenir de paix, de développement et de démocratie, dans le cadre de l’Union européenne et de la Méditerranée.

Je formulerai un vœu ; Pace e Salute – Paix et Santé- ;  que 2018 marque, enfin, le début de la réconciliation.
  
Docteur Edmond Simeoni 
Lozzi le 24 Janvier 2018

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