(Unità Naziunale – 24 octobre 2017 – 10h00) En Corse , l’approche des élections avive le nécessaire débat, mais il y a aussi des faux débats, tendant à opposer les besoins réels de la population à la recherche de nouvelles institutions. La compémentarité est totale et je veux apporter mon modeste éclairage.
Malheureusement, l’hyper politisation de la Corse, découlant d’une vie publique tourmentée depuis soixante ans par le dur combat d’émancipation que nous menons,- centré sur les institutions, la terre, l’environnement, l’identité et la culture, la répression, la démocratie si malmenée par l’Etat, les clans … et les Corses !!!!-, relègue souvent à l’arrière-plan les problèmes économiques et sociaux, essentiels, parce qu’ils conditionnent au premier chef la vie de la population. Certes, on ne peut pas dire que les problèmes quotidiens, les infrastructures ou encore la Santé publique, l’Education, la Formation, la Sécurité notamment sont exclus du débat et des préoccupations publiques, mais la tonalité politique, parfois politicienne, domine le débat contemporain ; mieux, certains opposent la volonté de parler des institutions à la résolution des problèmes quotidiens ; c’est populiste, partisan car le lien est consubstantiel de la problématique générale. Soyons clairs et tentons de corriger cette lacune. Qui génère de l’inquiétude.
Les Problématiques:
• Le peuple corse – Corses d’origine et Corses d’adoption- a des atouts majeurs dont les principaux sont :
– d’abord humains ; en effet hommes, femmes, jeunesses de qualité, éduqués, formés tant dans l’île – -320 mille personnes- que dans la diaspora où ils sont environ un million ; un terreau et un réseau considérables de compétences, de ressources, de moyens, de relations, d’influence, de disponibilité mais surtout animés, même quand le lien originel s’est distendu, d’un profond et fidèle attachement à la Corse. Ce gisement est peu exploité !!
– Ensuite des atouts naturels largement préservés ; des sites d’exception, un climat tempéré, des ressources naturelles considérables : l’eau, – en grande abondance- le vent, les forêts. Richesses insuffisamment ou mal exploitées !!
– Enfin une épargne qui voisine les dix milliards d’euros !!
• La Corse a des difficultés économiques sérieuses ; record de précarité – cinquante-cinq mille personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté-; la vie est chère dans l’île ; le chiffre du chômage est de 17.800 personnes ; les logements accessibles sont insuffisants, les infrastructures en retard
• Des handicaps :
– l’insularité, -avec la continuité territoriale- et le caractère montagneux sont mal pris en compte, par l’UE, sur tout son territoire. La Commission des Iles, dirigée depuis peu par le Président du Conseil Exécutif de Corse, est saisie de ces problèmes pour chercher et apporter de solutions adéquates et de simple justice.
-l’ insuffisance numérique des PME, pléthore et émiettement des TPE (20.000)
– le retard des infrastructures et retard de développement que le PEI n’a que partiellement comblés.
– la mauvaise orientation du développement (tourisme trop saisonnalité et mal réparti, prolifération des résidences secondaires, signes de « l’économie résidentielle », inadéquate ; agriculture insuffisamment modernisée et qui amorce enfin son virage vers l’agriculture biologique ; tertiaire trop pesant ; insuffisance de la formation… ; l’offre numérique se développe et il faut rester au niveau.
La société recèle encore trop d’archaïsmes, trop de blocages, trop de corporatismes, une faiblesse du civisme.
La Collectivité Unique – une réforme d’ailleurs insuffisante- va constituer un ensemble de 5 .000 salariés !!!!! Au premier Janvier 2018 !!!! Demain… Quel challenge !! Quelles difficultés !
La Corse doit réaliser, sans violences, sans ruptures brutales- uniquement par le dialogue et la concertation- une révolution fondamentale, paisible, étalée sur dix ans, bâtie sur l’échange pour construire ensemble un projet de société : les socles de la nouvelle organisation doivent être la démocratie, l’intégrité et la transparence, la compétence, la primauté de la rigueur de la gestion. Il existe un certain nombre de données essentielles dont il faut débattre comme l’implication forte de la société civile et notamment de la diaspora, le partenariat public- privé, – le CESC doit être évalué et rendu fonctionnel- .
Le peuple corse n’a que l’embarras du choix tant les possibilités et les atouts sont nombreux à la condition expresse que la volonté, la méthode, l’organisation prévalent, dès le début du processus, par le débat, argumenté et public. Il faut cesser d’imposer par le haut –échec déjà avéré et demain garanti- des réformes fondamentales comme le Padduc, la fiscalité, les voies de développement, les choix énergétiques, les transports…. Le peuple participera donc à la conception, suivra les réalisations et tranchera lors des échéances électorales démocratiques.
Il existe des priorités :
– la démocratie et l’éthique doivent coiffer l’ensemble de la démarche et l’imprégner, sans aucun compromis possible.
– les priorités sociales ; précarité, logements, emplois..
– les priorités à l’éducation et à la formation.
Il existe des nécessités :
– la réorientation de l’économie, sa rationalisation, avec notamment l’évaluation et l’adaptation des transports maritimes et aériens, le tourisme repensé, l’agriculture avec le soutien aux filières performantes et l’engament total vers l’agriculture biologique, le soutien au commerce en faisant face aux défis d’Internet et de la prolifération déraisonnable des grandes surfaces ; nous devons exporter nos produits de qualité. Les liens avec l’Europe et la Méditerranée doivent être repensés, fiabilisés et opérationnalisés.
– la Santé doit améliorer son offre en permanence et surtout s’orienter vers la prévention car son coût est et deviendra prohibitif ; les NTIC et les Start Up, les ENR ont déjà de solides acquis et suscitent des promesses fondées ;
– il faut consacrer des moyens importants à l’économie de la connaissance et du savoir, au mécanisme « Recherche-développement », à l’innovation.
Conclusion : (je l’avais formulée dans un autre texte récent.)
« La France se grandirait si, conformément aux principes universels qu’elle invoque en permanence, elle reconnaissait le droit à la vie du Peuple Corse et participait la naissance d’une Corse autonome au sein de la République Française, garantissant la démocratie, la paix et les droits légitimes des parties. Nous ne changerons ni de méthode- exclusivement pacifique- ni de buts.
Car notre survie collective est à ce prix » (Fin de citation).
La Corse voit approcher l’heure d’une liberté, voulue, arrachée mais à compléter, à parfaire, à formaliser, à inscrire dans la Constitution française ; le peuple corse l’aura méritée ; il lui faut désormais, génération après génération, la construire sur les fondements de la démocratie, de droit et de la justice, de l’humanisme ; et aussi participer, modestement et à sa place, au concert, et demain fraternel et apaisé nous l’espérons, des peuples du monde.
J’y ai toujours cru et je le crois plus profondément aujourd’hui qu’hier.
Docteur Edmond Simeoni
Aiacciu u 22 d’Ottobre 2017