(Unità Naziunale – 10 octobre 2017 – 07h00) La Catalogne est entrée dans l’après-referendum.
L’Espagne et l’Europe aussi ! La mobilisation massive et démocratique du peuple catalan s’impose à tous. Les dirigeants catalans doivent faire respecter la volonté du peuple catalan. Les dirigeants espagnols doivent conjurer leur tentation post-franquiste. Et les dirigeants européens doivent veiller aux intérêts de l’Europe.
L’intérêt de l’Europe est bien sûr que la Catalogne reste pour très longtemps un pays européen prospère qui participe à l’épanouissement général de l’Union. La répression violente de l’Espagne contre la démocratie catalane fait craindre que tout dégénère et que se cristallise en Catalogne une crise dont la sortie sera nécessairement longue et coûteuse.
Le scenario du pire est sur la table. Madrid menace de suspendre l’autonomie catalane, et d’imposer un gouvernement de la Catalogne désigné par le pouvoir central. La grève générale de protestation contre les violences policières qui a eu lieu mardi dernier à Barcelone a donné le ton de ce qui pourrait être la riposte catalane : un mot d’ordre de grève générale, et une crise longue. L’économie catalane en serait paralysée, mais la Catalogne ne sera pas la seule impactée car l’Espagne a besoins des ressources économiques catalanes pour assurer le train de vie de l’Etat. C’est une crise majeure qui s’installera alors, dans une logique « perdant-perdant ».
Les dirigeants catalans ont ouvert la voie du seul dialogue possible en appelant à une médiation européenne. En effet, si une telle médiation est acceptée, elle signifie de facto le « gel » des processus engagés au moins pendant la durée de sa mission. Viendront ensuite les conclusions : seront-elles acceptées par Madrid ? Seront-elles acceptables par les Catalans ? On verra bien. Mais dans l’intervalle les esprits ont le temps de se calmer et les solutions éventuelles, susceptibles d’éviter une crise majeure, de se mettre en place.
Derrière les postures faciales que chacun arbore, les négociations vont nécessairement bon train en coulisses. Des signaux le font sentir. Par exemple les excuses officielles –enfin- prononcées par le représentant officiel du gouvernement espagnol à Barcelone à propos des violences policières contre les catalans dans les bureaux de vote n’ont certainement rien de spontanées. Ou encore le report de 24 heures décidé par Carles Puigdemont pour son discours devant la Généralitat de Catalunya a-t-il sans doute été accordé pour laisser le temps à des démarches diplomatiques destinées à éviter le déclenchement d’un affrontement destructeur. Les jours prochains seront décisifs.
Les termes de l’affrontement sont, d’un côté, la déclaration unilatérale d’indépendance prévue par le processus d’autodétermination catalan sur la foi des résultats du referendum du premier octobre ; et, de l’autre, la menace du coup de force de Madrid par recours à un article de la constitution espagnole permettant de renverser l’autonomie catalane et tout ses dirigeants élus. Entre les deux l’Europe est la seule institution légitime pour une médiation.
Encore faut-il que l’Europe ait la volonté de cette implication. Avant le referendum, Jean Claude Juncker déclarait : « si le oui l’emporte, nous respecterons cette opinion, mais la Catalogne ne pourra être un Etat-membre dès le lendemain de ce vote ». En langage diplomatique, cette déclaration confirme que l’avenir de la Catalogne est en Europe, même si cela n’intervient pas « dès le lendemain du vote ». Mais, depuis dimanche, on sent bien que la Commission est tirée en arrière, et que le « feu vert » pour une médiation n’a pas été obtenu. Et parmi les Etats les plus proches de Madrid, on trouve bien sûr Paris et Emmanuel Macron.
Il y a dix ans, la Commission Européenne était restée inerte et avait laissé délibérément l’Etat Grec s’enfoncer dans la corruption et la crise économique. Elle sort à peine de cet échec majeur. Si elle contribuait, par son absence d’implication, à l’installation d’une situation de crise grave et durable en Catalogne, ce serait un échec politique rédhibitoire.
Si l’Europe reste sur l’Aventin, la crise catalane deviendra alors une crise européenne.
François ALFONSI
Président de l’ALE (Alliance Libre Européenne)
9 octobre 2017