Les diverses échéances européennes révèlent des signes inquiétants du retour des nationalismes hégémoniques.
Car, bien entendu, il ne s’agit pas de confondre le nationalisme des peuples dominés, « seule réponse des colonisés à l’adresse de la puissance coloniale » comme le définissait Braudel, avec celui des grandes puissances qui dominent le monde depuis le 15ème siècle. Ce nationalisme ci n’est pas autre chose que la forme la plus achevée de l’expansionnisme colonial, une volonté systémique de conquérir le Monde ! Il fallait bien justifier ce crime qui consistait à soumettre une partie de l’ humanité par la force des armes d’extermination…
En 1494, l’Espagne et le Portugal se contentèrent de la bénédiction du pape Alexandre VI pour se partager l’Amérique. Plus tardivement, les puissances issues de la révolution industrielle jugèrent plus opportun d’habiller leurs ambitions impérialistes de préoccupations humanitaires et scientistes. Signataire du traité de Berlin qui donnait aux Européens la permission de massacrer les tribus du bassin du Congo, la France put compter sur une intelligentsia aveugle pour justifier cette infamie dans laquelle se fourvoyèrent les plus grands noms de la gauche parisienne.
En effet, le propre d’un nationalisme de ce type repose sur la certitude que le bonheur des peuples dominés se décident à Paris, et en ce sens le jacobinisme est une forme hystérique du nationalisme français. Il s’agit là d’un nationalisme d’état, qui ne se réclame pas d’une identité mais d’un archétype idéologique dont les contours son fixés par les « grands corps de l’État jacobin ». C’est la raison pour laquelle les discours des souverainistes à l’occasion des présidentielles demeurent très proches et l’on remarquera que les références à la supposée supériorité du « modèle culturel et social français » émanent de prétendants qui ne voient la France profonde qu’à partir de leur Aventin ! Les nuances ethnico-religieuses des uns par rapport aux autres ne sont pas autre chose que de vilaines manœuvres de différenciation électoraliste.
Il n’empêche: 77 ans après la déculottée de mai 1940 qui a vu le début d’une honteuse participation au plus grand crime de l’Histoire-ainsi que l’a démontré l’américain Paxton- , les postulants à la magistrature suprême sont prêts à toutes les démagogies pour entretenir le fantasme de la « France éternelle » en même temps que leurs pouvoirs. Cette forme de neo-fascisme a ceci de particulier, qu’elle veut convaincre le corps électoral que le village parisien est en mesure de régler des problèmes que seul un grand ensemble européen est à même de résoudre. Voilà qui situe les enjeux, et sans doute voilà une situation qui se répétera à terme dans tous les états européens…
Ghjacumu Faggianelli