Fort d’une observation au long cours et résidant à Ajaccio depuis 5 ans, j’ai le privilège de contempler nuit et jour, le Golfe -magnifique et hors concours- de vivre la ville, avec un très grand plaisir et d’analyser ses activités, ses institutions, son histoire, son évolution et ses perspectives. J’ai posé la question à des étrangers de passage et à des personnes de qualité, étonnés de l’atonie extra estivale d’Ajaccio ; in fine j’ai tenté d’interroger la population de la ville.
Une question m’obsède : « comment la Cité dont la vocation évidente est d’être une destination et une ville exceptionnelles en Méditerranée, peut-elle se contenter d’un destin médiocre et d’un train-train poussif qui la relègue à l’arrière-plan ? » Et aussi se satisfaire d’une précarité importante, d’un chômage notable, d’un développement insuffisant et d’un tourisme, de gamme moyenne, trop saisonnalisé sans aucune mesure avec la diversité et la qualité de ses atouts.
J’ai donc décidé, de poser la question par le canal des réseaux sociaux ( Facebook et Twitter) il y a quinze jours, avec une piqûre de rappel il y a 8 jours, tant les réponses étaient maigres. Aujourd’hui le flop est confirmé et me plonge dans la perplexité. Apathie ? Indifférence? Ignorance? Complexité du problème ? Peur des évidences ? Certes, toute la ville ne consulte pas internet et FB…Mais pourtant l’intérêt est manifeste et fort, sur d’autres sujets. Peut-être me suis-je trompé et peut être aussi que la démarche n’est pas pertinente ?…
Je rappelle la question que j’avais posée :
Pourquoi la Ville d’Ajaccio, – douceur, climat et qualité de vie incomparables- qui a donné naissance à Napoléon, le second en notoriété sur Internet, après Jésus Christ- ? Pourquoi Ajaccio doté d’un Golfe qui est une des merveilles du monde a-t-elle un développement très moyen et sans rapport avec ses immenses atouts ? Pourquoi a-t-elle plus de 20.000 personnes qui vivent dans la précarité?
Ma réponse se veut modeste et n’a aucune prétention à épuiser le sujet ; Ajaccio est certainement l’exemple le plus probant en Corse, le plus symptomatique, d’un développement médiocre et qui ne peut résulter, comme ailleurs dans l’île, que de la multiplication de certains facteurs :
* On ne peut pas oublier que depuis 1769, la Corse, est placée sous l’autorité totale et sans partage de la France, soit depuis 250 ans ! Celle-ci a donc la responsabilité de la situation créée. Aujourd’hui, aucune personne de bonne foi ne peut nier les atouts de la Corse (richesse humaine, ici et dans la diaspora ; épargne, ressources naturelles…).
* Napoléon III en particulier, a permis à la Corse et plus particulièrement à Ajaccio, de progresser par la multiplication de ses initiatives (système routier, liaisons maritimes, des réalisations urbaines…).
* Nul ne peut nier non plus que la Corse est une caricature du progrès, et que le système claniste, séculaire, antinomique de la démocratie et de la compétence économique, avec ses dynasties, totalement assujetties au pouvoir central et régentant toute la vie publique, a totalement échoué dans le développement insulaire. Ce qui relativise la part de responsabilité du peuple corse, qu’on ne peut totalement exclure, à partir du Statut Particulier de 1982, certes inefficace et des Institutions ultérieures.
*Ajaccio a subi la loi d’airain d’un système colonial et féodal. Il faudrait être de mauvaise foi pour imputer aux municipalités successives, depuis 50 ans, l’échec économique de la Corse et donc d’Ajaccio. Je pense aussi que la violence politique n’a joué qu’un rôle mineur dans le processus continu de retard.
* Les différentes municipalités ont essayé, dans leur contexte et sous la tutelle sourcilleuse de l’Etat, d’améliorer la Cité dont la démographie – environ 70 000 habitants- est vivace surtout depuis les années 60, avec une accélération les quinze dernières années ; grâce à l’aura administrative de la capitale régionale, la concentration importante d’institutions (la Ctc, L’Otc, l’Adec, les Douanes, Via Stella, Air Corsica….).
* Il apparait à l’évidence que la tutelle de l’Etat, la gestion politique de la Corse, le retard chronique de développement, la frilosité des statuts successifs, l’inamovibilité et l’incompétence notoire des dynasties clanistes, la passivité, déresponsabilisation progressive et critiquable de la population, sont les facteurs majeurs de la stagnation insulaire.
Depuis 2014, avec la chute de la citadelle clanique de Bastia, puis depuis décembre 2015 avec celle de la CTC, la Corse a pris un chemin, certes tourmenté, mais adapté parce qu’il repose totalement sur la démocratie et le dialogue, la transparence, l’équité et sur une gouvernance efficace. Certes, le chemin sera encore long.
L’Etat est toujours rétif à une véritable évolution du Statut de la Corse car la Collectivité Unique est insuffisante – il nous faut l’Autonomie Interne dans le cadre de la République Française- mais on doit reconnaitre que, depuis un an, il est plus conciliant, plus à l’écoute, plus ouvert.
Quant à la ville d’Ajaccio, sous la mandature précédente et d’avantage encore avec la municipalité actuelle, elle a totalement pris conscience des retards, des besoins, des urgences et plus encore des atouts de la Cité et de la Communauté d’Agglomération ainsi que de leur environnement proche. Le nouveau projet est à l’œuvre avec le développement urbain, économique et notamment technologique, la solidarité sociale, la valorisation des deux cartes maitresses que sont la Citadelle et la Base d’Asprettu et enfin avec la valorisation de son trésor de mémoire et de culture ; l’enracinement méditerranéen, la multiplication des échanges, notamment avec la Sardaigne, la Catalogne et au-delà, avec nos partenaires de la Commission des îles de la Méditerranée, la diversification et la densification des relations avec l’Union Européenne, vont renforcer la panoplie des atouts existants.
Ajaccio doit devenir en 20 ans, dans une Corse émancipée, authentique, démocratique et apaisée , responsable et plus équitablement développée, une cité accueillante et un des phares de la Méditerranée.
Je suis persuadé qu’elle réussira.
Ajaccio le 12 Avril 2017
Président de Corsica Diaspora et Amis de la Corse