COLLECTIF POUR LE DROIT A LA SANTE EN PLAINE ORIENTALE
RAPPORT ARS POUR LA CSOS DU 11AVRIL
CONSTATATION DE BESOINS EXCEPTIONNELS D’IRM
OBSERVATIONS CRITIQUES
Le rapport rédigé par l’ARS à l’intention des membres de la CSOS présente des imperfections sérieuses qu’il faut relever.
On doit noter tout d’abord que la procédure engagée reste en tous points comparable à celle que l’ARS a mise en mouvement par arrêté du 17 février 2017 et qui concernait la constatation d’un besoin exceptionnel pour installer une deuxième IRM polyvalente à Ajaccio.
Un arrêté a fait suite à un avis de la CSOS réunie le 29 novembre 2016.
Le motif essentiel de cette constatation de besoin exceptionnel repose sur le fait qu’il est indispensable de « doubler » l’équipement IRM pour pallier la perte de chance pour les malades que constituerait une défaillance technique de l’IRM publique sur Aiacciu.
Le même raisonnement avait d’ailleurs prévalu pour installer une deuxième IRM polyvalente sur Bastia.
Le Collectif se réjouit de cette nouvelle installation sur Aiacciu qui prouve que, lorsque l’intérêt du malade prévaut, les responsables sont capables de comprendre et de s’adapter aux nécessités locales.
Cela s’inscrit dans l’esprit du décret du 28 novembre 2016 relatif à la Stratégie Nationale de Santé qui autorise des adaptations aux normes nationales pour la Corse en tenant compte de la faiblesse démographique et des particularités géographiques insulaires pénalisant l’égalité des chances par difficulté d’un égal accès au moyen sanitaire.
Il s’avère donc que la présente demande suscitée par le Collectif doive bénéficier de la même appréciation que celle utilisée ailleurs et ce d’autant plus que l’éloignement rend le motif encore mieux fondé. Cela s’appelle l’égalité.
Le rapport aurait dû relever ces points. Il est en ce sens incomplet et en tout cas non à jour.
Les éléments d’analyse que tire l’ARS du dossier justificatif présenté ne sauraient tout autant convenir en l’état.
Pour rappel, un des éléments essentiels de justification repose sur la notion d’accès exprimée en distance/temps (sur le fondement d’enquêtes officielles que l’Etat utilise pour ses propres analyses et ses propres publications officielles).
Les résultats sont donc incontestables et non contestés par le rapport, qui en tire pourtant des conclusions étranges.
Il faut rappeler à ce titre que 36% de la population corse est éloignée de plus de 45 minutes d’un équipement IRM (taux le plus élevé de toutes les statistiques nationales).
Ainsi, selon le rapport, l’installation d’un nouvel équipement en Plaine Orientale ne réduirait le déséquilibre constaté en temps d’accès à un équipement IRM que de 6% ?!
Sur la base d’un raisonnement peu recevable fondé sur le fait que les malades, dans leur libre choix, pourraient ne pas choisir de recourir à un établissement plus près de chez eux, il est indiqué que la réduction de ce taux serait somme toute limitée.
Cela se heurte à la réalité de l’enquête conduite auprès de 33 médecins (et non 29) prescripteurs installés dans la zone d’Attraction Potentielle Localisée (Solenzara – Vescovato) qui évaluent le besoin à 4745 actes.
Pour l’ARS, il y aurait donc possiblement un taux de fuite important sur ces actes, les malades préférant majoritairement continuer à faire des heures de route dans des conditions difficiles et attendre souvent longtemps qu’on leur délivre un rendez-vous.
Cela ne résiste pas à une analyse de bon sens et doit donc être écarté.
L’ARS ne manque d’ailleurs pas de prévenir cette critique en précisant que les plus de 45 minutes indiquées ne constitueraient pas une « norme opposable » au sens juridique du terme.
Personne ne peut accepter, dans les conditions locales et dans le respect de l’égalité du droit à la santé, qu’une telle argutie soit retenue.
Il faut donc rappeler que ces délais, retenus par l’ARS pour justifier d’autres autorisations accordées dans l’île, ne seraient pas validées seulement pour les dossiers de la Plaine Orientale ?!
Plus encore, il faudrait admettre que toutes les prescriptions figurant aux deux derniers Plans Cancer publiés et rappelées publiquement par les plus hautes autorités, ne sont que de vagues notions qui ne tiendraient finalement pas compte de la souffrance des malades.
Bien évidemment, il n’en est rien et la position du rapport sur ce point est totalement inégalitaire et inacceptable.
Elle l’est d’autant plus que le délai de rendez-vous, fixé à 20 jours maximum par le Plan Cancer, est retenu par l’ARS (3-1-2 in fine) comme devant être regardé comme norme imperative !
Enfin, il est curieux de relever que les notions de renonciation aux soins n’aient pas encore été étudiées en incluant notamment la réalité de la population vivant au dessous du seuil de pauvreté, et que cela soit servi comme un contre-argument.
Cela voudrait-il signifier qu’il appartient à la population de conduire elle-même, à la place de l’Etat, ces études qui seraient édifiantes ?
Evoquer ce prétexte est pour le moins curieux
La même remarque peut-être conduite sur l’absence de résultats concernant les travaux préparatoires du PRS2.
Il faut rappeler que la population n’attendra pas plus longtemps que des besoins vitaux soient repoussés dans l’attente de la réalisation d’études dont on ne sait même pas si elles pourront être validées dans les délais indiqués.
Les utilisations IRM pour AVC ou situations de risques d’AVC sont suffisamment développées par des autorités médicales indiscutables (le professeur Bartoli ayant même été missionné par l’ARS pour établir le SROS en vigueur).
Il reste cependant indispensable que les membres de la CSOS aient connaissance parfaite des courriers des professeurs Bartoli et Moulin, ce qui ne semble pas être le cas, le rapport ARS se contentant de les citer.
Enfin, n’est-il pas au moins une, voire deux, IRM installées à l’heure actuelle qui réalisent des examens pour AVC et qui ne sont pas en mesure de réaliser des thrombolyses et des thrombectomies lesquelles ne sont pratiquées que dans les deux Centres Hospitaliers ?
Pour être logique, l’ARS doit-elle exiger que ces deux équipements ne réalisent plus d’IRM dans les suspicions d’AVC et envoyer sans examen ces malades directement aux CHG ?
Si l’on retient le raisonnement de l’ARS (peut-être seulement dans ce rapport), c’est cela qu’il faut faire, mais c’est absurde et risque d’être contraire à la rapidité impérative de la prise en charge.
Cette remarque reste valable pour la cancérologie.
L’attention doit également être attirée sur les insuffisances de la norme démographique qui revient constamment.
Tout d’abord, il n’est jamais tenu compte dans la population recensée des semi-résidents, population de la diaspora post 1945, désormais retraitée, qui ne rejoignait la Corse qu’un mois l’été et qui désormais y séjourne durant six mois.
De même, il n’est pas tenu compte de l’afflux touristique qui a tendance à augmenter de manière linéaire et sur une durée mensuelle plus élargie.
Il est d’ailleurs surprenant que cette dernière donnée puisse être prise en compte dans l’analyse ARS d’autres dossiers d’autorisation pour des zones à forte attractivité touristique et écartée pour les « habitants » de la Plaine !
Par ailleurs, l’étude ARS comporte une insuffisance notoire qui mérite interrogation.
Il n’est nullement indiqué s’il existe un « taux de fuite » IRM vers le Continent et si oui, quelle interprétation doit-on y donner et quels moyens d’y remédier devraient être initiés ?
Pour autant, il est clair que la pratique par IRM reste l’évolution inéluctable des années à venir en imagerie médicale.
Les « normes » françaises sont très largement défavorables au regard de tous les pays développés, comme l’Allemagne par exemple, qui ont bien compris le rôle majeur de cet équipement dans la prévention.
Le mouvement commence à prendre corps en France comme le rappelle le rapport ARS qui souligne que les autorités prévoient de passer de la notion d’équipement lourd à celui d’activités de soins.
C’est une raison supplémentaire pour ne plus différer les autorisations comme celle sollicitée en application de règlementations que l’Etat lui-même juge surannées.
La poursuite de l’analyse du rapport sur les motivations de la demande continuent tout autant à susciter la critique.
Il est ainsi clair que la mise en place d’une IRM diminue le recours à la scanographie, ce qui est salutaire pour le malade qui évite ainsi l’exposition irradiante.
Il est démontré pourtant que le scanner reste l’examen premier en termes d’urgence sanitaire et souvent pour une simple question de temps d’accès machine ou de durée d’examen.
Il est donc normal que la substitution actes scanner / IRM ne s’entende qu’en fonction des examens dits « réglés » (c’est à dire sur rendez-vous).
Or, et nul ne le conteste, le nombre des urgences sanitaires n’a cessé de croître depuis plusieurs années et il suffit de se référer aux publications de nos Hôpitaux pour s’en rendre compte.
Dès lors, pour que l’analyse de l’ARS soit pertinente en termes de substitution, elle doit extraire de son raisonnement tous les actes de scanographie liés à l’urgence.
Sur le solde restant, c’est à dire en dehors des actes liés à l’urgence, il est certain que l’effet IRM apparaîtra.
Le point développé en regard dans le dossier justificatif du besoin (baisse de 10% des scanners qui seraient remplacés par des IRM) et désespérément contredit par l’ARS, reste totalement valable et incontournable.
S’y ajoute le fait, et cela figure plusieurs fois dans l’enquête conduite auprès des médecins, que de nombreux prescripteurs adressent vers la scanographie par défaut pour avoir un résultat d’imagerie plus rapidement.
Plus avant, il faut bien constater que cette nouvelle IRM attire de jeunes radiologues qui ont envie de participer à ce projet qu’ils jugent valorisant en rejoignant l’équipe du Docteur Ristorcelli.
Dans le contexte de pénurie de spécialistes, le Collectif comprend bien que cela peut attiser des jalousies.
En ce qui concerne les institutions publiques, rien ne s’oppose à ce que cette équipe renforcée puisse travailler avec le secteur public et y apporter son concours.
Cela coûtera moins cher que le recours à des intérimaires et créera des filières de recrutement ultérieures.
L’engagement peut-être déjà acté, si un doute subsistait.
C’est un des fondamentaux que défend l’action entreprise : l’intérêt collectif avant tout et avant surtout les intérêts financiers.
Au passage, tous les Directeurs hospitaliers ne manqueront pas de souligner que leurs difficultés à recruter (PH ou autres) telle qu’elle est présentée dans le rapport prête à sourire ou à pleurer : il suffit de se référer aux études de la FHF pour mieux connaître les points de blocage et comment les faire sauter.
Cela suppose une réforme profonde.
Enfin, comment ne pas s’attarder un moment sur le « volet financier » ?
Faut-il encore rappeler qu’il s’agit d’un financement privé intégral, sans subvention, sans intégration d’intérêts d’emprunt dans des dépenses à la charge de l’Etat comme cela se fait ailleurs sur l’île, sans SCI pour pouvoir en plus bénéficier d’avantages fiscaux comme ailleurs ?
Le rapport même de l’ARS donne la clé du problème : si l’on part du principe qu’il n’y aura pas des examens « supplémentaires » mais des examens de « substitution », comme cela tend à être démontré pour assurer d’une couverture suffisante, l’Assurance Maladie, dont l’ARS est garante des intérêts, sera gagnante.
Même nombre d ‘examens, donc aucune charge supplémentaire, aucune subvention et même une diminution du coût des transports par le rapprochement des malades.
Enfin, compte tenu des évolutions favorables du recours à l’IRM, les « privés »installés en Corse ne devaient pas trop craindre une diminution de leurs produits.
En conclusion, et de manière peu discutable, ce que le respect du débat contradictoire (que l’ARS avait pourtant bien acté avec le Collectif) aurait fait ressortir, le Collectif réaffirme :
- qu’il n’est pas acceptable pour tout être vivant en Corse de ne pas considérer que la distance / temps d’accès met en grand péril l’égalité des chances et que les recommandations ministérielles doivent être respectées pour tous et par tous ;
- que la notion de norme démographique, même fausse, doit être totalement abandonnée et adaptée en fonction du décret, d’autant que la population de la Plaine Orientale reste supérieure à celle d’autres zones géographiques déjà loties ;
- qu’il ne sera pas accepté de remettre en cause une étude réalisée auprès de tous les médecins concernés et qui a été conduite de manière honnête et sans intervention extérieure ni pression d’aucune sorte ;
- qu’il serait incroyable que ne soit pas considéré qu’aucun coût supplémentaire, pour tous les contribuables que nous sommes, ne sera supporté par l’Assurance Maladie ;
- qu’il serait inacceptable qu’un motif fallacieux soit invoqué par un tiers intéressé « un scanner doit être installé dans un établissement de soins» (comme nous avons pu le lire dans le compte-rendu de la CSOS concernant le scanner de la Plaine Orientale en 2012).
Désormais, nous dénoncerons publiquement ce type d’initiatives.
Etant observé par ailleurs, que si nous n’avons pas encore de structure hospitalière ce n’est pas de notre faute.
Et que, de plus, des IRM sont installées en cabinet sur tout le territoire (ex: AP Marseille : 9 IRM et des IRM en Cabinet libéral comme la Joliette ou dans le 12ème, ou encore les cabinets de chaque arrondissement de Paris ; hors concours, nous citerons les 6 IRM monégasques pour 35000 habitants, avec pour patients à 99,9% les malades de Nice, Menton… remboursés par l’Assurance Maladie Française) ;
- qu’il n’est pas utile qu’il faille encore attendre des études nationales ou régionales pour prendre des décisions d’égalité et de bon sens ;
- qu’il n’est plus acceptable que nous devions continuer à supporter de ne pas être considérés comme des habitants comme les autres en pemettant à l’administration de se cacher derrière des arguments mal fondés, inadaptés et qui ne s’appliquent pas de la même manière aux autres!
COLLECTIF POUR LE DROIT A LA SANTE
EN PLAINE ORIENTALE