« La jeune garde nationaliste indifférente à la présidentielle » #Corse

(9 avril 15h30) Et ils l’ont prouvé hier au Meeting de Marine Le Pen.

L’élection du président français ne nous concerne pas »: dans les rues de Corte, berceau du nationalisme corse, Paul Salort, président du principal syndicat étudiant de l’université de la ville résume une indifférence largement partagée chez les jeunes nationalistes de l’Ile de Beauté.

« On n’a pas la prétention en tant qu’indépendantistes de choisir le président d’un pays qu’on considère comme n’étant pas le nôtre », poursuit le leader de la Ghjuventù Indipendentista. Agé de 20 ans, le frêle tribun s’arrête régulièrement pour faire une bise, serrer une main ou indiquer l’église où s’est tenue la dernière grève de la faim des jeunes nationalistes –dont les trois syndicats étudiants sont largement majoritaires à l’université.

Née en 1981 de la revendication des mouvements régionalistes des années 70, l’Università di Corsica-Pasquale Paoli –du nom d’une figure emblématique de l’île au 18e siècle– a longtemps été perçue comme une place forte du nationalisme, connaissant des poussées de fièvre sporadiques.

De ce fait, ce « foyer d’agitation » a fait peur aux responsables politiques insulaires, qui ont gelé ses crédits au milieu des années 80, et aussi aux parents, qui préféraient envoyer leurs enfants étudier à Aix-en-Provence ou Nice. Mais aujourd’hui, l’université accueille quelque 4.500 étudiants, dans la ville de 7.500 habitants accrochée aux montagnes au milieu de l’île.

Mercredi, quelque 250 personnes ont défilé, derrière les syndicats nationalistes étudiants pour protester contre les arrestations de jeunes nationalistes corses survenues au cours des derniers mois, marqués par plusieurs incidents opposant de jeunes manifestants aux forces de l’ordre. Et dans le cortège, l’indifférence affichée par Paul Salort à l’égard de l’élection présidentielle est largement partagée.

« Je n’irai pas voter. Quand j’ai reçu ma carte d’électeur, je l’ai mise à la poubelle », lance un étudiant. « On n’est pas dans les syndicats nationalistes, on est juste des étudiants. Mais presque tous les jeunes pensent comme ça », acquiescent deux jeunes femmes.

Francescu Luciani, 23 ans, ex-président de la Ghjuventù Paolina, troisième syndicat de l’université, assure quant à lui qu’il va « regarder, mais sans aller voter »: « Gauche ou droite, on sait très bien qu’ils ne peuvent pas nous voir, ça ne nous concerne en rien. »

– L’Europe, ‘une bonne chose’ –

« Certes, c’est le président de la France qui fera des choix pour la Corse, mais à l’heure actuelle on voit bien que sur le sujet tous les candidats se rejoignent: il n’y a aucune avancée sur nos revendications » comme la co-officialité de la langue corse ou le rapprochement des prisonniers dits « politiques », poursuit Paul Salort, citant des demandes qui sont aussi celles des nationalistes qui ont remporté les élections territoriales en décembre 2015.

« Le mouvement nationaliste a toujours été sur cette ligne-là. Mais en 1981 par exemple, quand Mitterrand avait promis l’amnistie des prisonniers politiques de l’époque, évidemment il y a eu un appel implicite, voire explicite, à voter pour lui », rappelle-t-il. Un seul candidat aurait pu trouver grâce aux yeux du jeune homme: l’indépendantiste polynésien Oscar Temaru, qui a échoué à rassembler les 500 parrainages nécessaires.

Mais si le futur président les laisse de marbre, les jeunes nationalistes restent des militants politiques. « On ne va pas dire qu’on ne regarde pas les débats, qu’on ne lit pas les programmes, il peut y avoir de bonnes idées qu’il faut aller chercher », comme le revenu universel, « une idée qu’on étudie » à la GI, pointe Paul Salort.

« Je ne me sens pas réellement concerné, mais je m’intéresse aux programmes, surtout sur la Corse et la jeunesse », reconnaît aussi Ange Chiodi, 19 ans, président du syndicat autonomiste Cunsulta di a Ghjuventù Corsa (CGC), le deuxième du campus, qui votera blanc à la présidentielle.

Et finalement, ce sont les élections législatives –« au moins, on a la chance de faire élire un représentant nationaliste », pointe Francescu Luciani– ou européennes que ces jeunes nationalistes attendent avec plus d’intérêt.

« L’Union européenne est une bonne chose, il faut savoir travailler avec », avance Ange Chiodi, qui souligne que l’UE les rapproche des indépendantistes basques, catalans ou écossais.

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