« Une longue distance les sépare, pourtant la Corse et la Kanaky sont deux pays très proches.
Un grand nombre de similitudes nous rapprochent et entretiennent ce sentiment de solidarité propre aux peuples qui luttent pour être eux-mêmes.
L’insularité est la première similitude, entre la Corse et la Kanaky. Mais au-delà de l’aspect géographique, c’est la confrontation au fait colonial, de Méditerranée jusqu’au Pacifique, qui a rapproché nos pays. Les outrages que nous subissons ne font que renforcer les relations politiques et fraternelles que nous entretenons depuis des décennies. Voués à la disparition, l’existence de nos deux peuples n’est due qu’à leurs luttes.
Comme la Corse, la Kanaky est outrageusement exploitée pour ses ressources naturelles.
Comme la Corse, la Kanaky lutte contre la spoliation de ses terres et la négation de son peuple.
Comme en Corse, l’économie de la Kanaky est exsangue.
Comme en Corse, l’Etat français reste sourd aux aspirations de la Kanaky.
La Corse et la Kanaky n’ignorent pas les contraintes qui ont pesé sur le gouvernement de François Hollande. Contraintes qui ont empêché techniquement la concrétisation de nos revendications et décisions démocratiques respectives.
Mais la Corse et la Kanaky n’ignorent pas non plus les blocages qui ont empêché politiquement la mise en œuvre de nos aspirations. Elles demandent, ensemble aujourd’hui, que ces blocages soient levés.
Lorsqu’ils sont venus en Corse, j’ai dit à Manuel Valls, alors Premier ministre de la France, et à François Hollande plus récemment, que nous, nationalistes, percevons dans le mandat que nous ont confié les Corses en 2015, la foi de notre peuple en un avenir de paix. Cet objectif est à portée de main. En Corse, le temps de la paix est venu. Mais le Gouvernement a, à deux reprises, laissé passer ce moment, ce bon moment. Pourtant, nous Corses, sommes convaincus que la France ne pourra pas manquer encore longtemps ces rendez-vous avec l’histoire.
En Kanaky, il y a eu bien sûr un moment fort dans l’histoire du pays. Je veux parler de l’accord de Nouméa. Un moment d’espoir. Mais on le voit bien, il s’agissait là d’un écran de fumée qui a maintenu la domination française sur la colonie. Aujourd’hui, le processus d’autodétermination entre dans sa phase finale. Le peuple Kanak a su se mobiliser pour mener à bien un projet viable. Ce peuple mérite que, pour une fois, la France entame et gère correctement un processus de décolonisation.
En 2018, le peuple kanak pourrait enfin avoir l’occasion de se prononcer sur son avenir dans le cadre d’’un référendum d’autodétermination. Un long chemin a été parcouru depuis les tragédies en Kanaky dans les années 1980. Il est temps que la France entende la Kanaky. Et je demande solennellement au gouvernement de ne pas manquer un nouveau rendez-vous historique, d’agir enfin pour la reconnaissance et l’application du droit du peuple kanak à son autodétermination.
Vous l’aurez compris, la Corse se devait d’être présente aujourd’hui à vos côtés. Par-delà la sympathie et la fraternité que nous partageons avec vos luttes pour la justice, la reconnaissance et le droit à l’autodétermination, notre présence se justifie aussi par notre volonté de redire à l’Etat qu’il doit enfin rendre aux peuples, à tous les peuples, ce à quoi ils ont droit. »
Jean-Guy Talamoni
Président de l’Assemblée de Corse