La Corse et ses déchets, à quand la prochaine crise ?b Urgence pour les solutions qui marchent !
La crise des déchets est-elle résolue ?
Non ! A l’heure actuelle les déchets mélangés, appelés ordures ménagères résiduelles (OMR), en provenance de toute la Corse sont acheminés vers les sites d’enfouissement de Vico, Prunelli di Fium’Orbu ou de Viggianello. Celui de Vico, qui reçoit en majorité ceux de la région ajaccienne, fermera fin mars 2017.
Peut-on continuer ainsi ?
Non! La crise ne peut que s’approfondir si les décideurs se contentent des demi-mesures prises aujourd’hui. Même si elles sont agrandies, les décharges vont arriver rapidement à saturation car les déchets ménagers et assimilés continuent pour l’essentiel d’être enfouis, alors que 80 à 85 % sont recyclables ou compostables ! C’est le mélange qui crée le déchet. D’autres ressources, comme les déchets du BTP, vont aussi en décharge, au lieu d’être triés, réutilisés, recyclés.
Est-ce que le tri sert à quelque chose ?
- Oui ! Les emballages, papiers cartons, verre, collectés sélectivement sont acheminés en majorité au centre de tri Biguglia, qui ne fonctionne pour l’instant qu’à 20 % de sa capacité ! Ils y sont sur-triés, conditionnés et pour l’instant envoyés vers les filières de valorisation matière adéquates sur le continent.
- Oui ! C’est bon pour le porte-monnaie des ménages, car le recyclage des déchets fait baisser le coût global du traitement grâce aux recettes liées à la vente des produits (plastiques, métaux, papiers, cartons, verre etc.)
- Oui ! C’est bon pour l’environnement car le recyclage est de très loin le système le plus efficace sur le plan des gains énergétiques et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (dérèglement climatique).
Cela vaut-il la peine de trier les piles, lampes, cartouches d’encre, textiles, appareils ménagers, meubles et autres encombrants ?
Oui ! Apportés en déchèteries/recycleries par les habitants ou ramassés par les collectivités, tous ces rebuts, dont certains sont dangereux, sont regroupés et traités dans des filières spécifiques
Les collectes séparées en porte à porte sont-elles nécessaires ?
Oui, INDISPENSABLES ! L’apport volontaire du tri sélectif par les habitants dans les bornes donne partout des résultats très décevants. L’expérience montre que pour développer le geste de tri il faut simplifier la vie quotidienne des ménages en collectant séparément en alternance et en porte à porte (ou points de regroupement) les trois grandes catégories: recyclables, compostables, résiduels.
Y a-t-il un intérêt à collecter séparément les biodéchets des ménages ainsi que ceux des professionnels ?
- Oui ! Pour éviter les fermentations et nuisances (odeurs, pourriture…) dans les conteneurs, puis dans les décharges et par là même réduire les jus toxiques et les émissions de gaz malodorants, dont le méthane qui a un effet de serre 28 fois plus puissant que le CO2.
- Oui ! Pour être en capacité de valoriser intelligemment ces biodéchets par l’obtention d’un compost propre de bonne qualité, car une fois compostés ils sont de l’or pour les sols.
- Oui ! Pour optimiser la valorisation financière du tri/recyclage des emballages, non souillés.
Les collectes en porte à porte existantes en Corse sont-elles efficaces ?
Non ! Car elles ne comprennent toujours pas, hélas, la collecte séparée des déchets fermentescibles des ménages (exception faite pour certains villages de Balagne, grâce à l’initiative de collectivités pionnières dès juin 2016). Ces biodéchets représentent pourtant plus du tiers des ordures ménagères !En milieu urbain dense la collecte séparée et en porte à porte, ou en points de regroupement, des biodéchets humides est la priorité absolue pour réduire immédiatement les déchets résiduels (désormais secs) à enfouir. La quantité des biodéchets alimentaires des ménages est 6 fois plus importante que celle des restaurants et commerces alimentaires cumulés (Chiffres ADEME). Il est indispensable de les prendre en compte.
Les collectes séparées en porte à porte sont-elles rentables ?
- Oui ! Elles permettent de réduire le coût global du traitement. Ce système étant plus facile pour l’usager, les volumes collectés de déchets recyclables, donc vendables, « explosent ».
- Oui ! Les coûts de collecte n’augmentent pas car au lieu de ramasser des ordures en mélange, on collecte alternativement les différents types de déchets. On peut même diviser par deux le nombre de collectes hebdomadaires : les biodéchets une ou deux fois par semaine, les ordures résiduelles et emballages alternativement tous les quinze jours.
- Oui ! Elles permettent de valoriser au mieux les produits recyclables, car ils sont de meilleure qualité
Le compostage des biodéchets est-il plus coûteux que l’enfouissement ?
Non ! Au contraire c’est le mode de traitement le moins cher, même en plateforme ou en usine dédiée (60 à 70 €/tonne). Il peut être réalisé au plus près des gisements, avec des économies sur le transport.Mieux, le compostage collectif in situ (villages, pied d’immeubles, écoles, campings, etc.) ou domestique est très peu coûteux car il n’y a pas de frais de transport.Non ! C’est le coût de l’enfouissement qui est exorbitant, particulièrement en Corse : jusqu’à 400 €/tonne, dont 50 % pour le transport, éloignement des décharges oblige. Cherchez l’erreur !!!
La tarification incitative permet-elle d’optimiser le tri à la source ?
- Oui ! Il faut en finir avec le système actuel de tarification des ordures ménagères qui est particulièrement injuste car calculé généralement sur la base de la taxe foncière, avec des écarts énormes et injustifiés d’une collectivité à l’autre et selon les ménages.
- Oui ! Il faut mettre en place une tarification équitable, qui récompense le citoyen pour son geste de tri, basée sur le volume de déchets résiduels non triés, les plus coûteux à gérer pour la collectivité.
- Oui ! Partout elle a prouvé son efficacité, tant au niveau du rendement du tri que du volume total à traiter, car les ménages sont encouragés à limiter leurs déchets à la source à travers leurs achats, avec une incidence sur le gaspillage.
Ne faudrait-il pas privilégier les solutions de tri industriel des déchets ?
- Non ! Les usines de Traitement Mécano Biologique (TMB) ou de Tri Valorisation Matière Energie (TVME) qui traitent les poubelles brutes (non triées) pour tenter d’en retirer du compost, des matériaux recyclables, des CSR (combustibles solides de récupération, après séchage) sont victimes de leur complexité : les incidents techniques y sont systématiques.
- Non ! Ces usines présentées comme des merveilles de technologie se révèlent inefficaces : le compost est non valorisable financièrement car de mauvaise qualité (il contient des produits dangereux et des résidus de plastique et de verre), les emballages sont souillés, donc moins bien rémunérés.La main de l’homme, qui trie au jour le jour de petites quantités, est infiniment plus efficace que la machine, aussi sophistiquée et coûteuse soit-elle.
- Non ! Le TMB ou le TVME ne résout pas la question des décharges polluantes : le compost produit, inévitablement de mauvaise qualité, doit être enfoui, moyennant des coûts de transport et de stockage.
- Non ! De telles installations ne peuvent être complémentaires des collectes sélectives, parce que le tri à la source ne pourra se développer si l’on continue à collecter tout en vrac. Ensuite parce que ce type d’usine ne serait rentable que si elle était alimentée avec des déchets non triés. La superposition des deux systèmes ferait « exploser » le coût global du traitement des déchets. C’est donc incompatible !
- Non ! Ces installations industrielles ont un coût très élevé en investissements (370 à 580€/tonne) et en fonctionnement (80 à 100€/tonne, voire plus). Les collectivités et les contribuables sont pris au piège…
Faut-il privilégier l’incinération des déchets pour récupérer de la chaleur ?
- Non ! Les incinérateurs appelés UVE (unité de valorisation énergétique) sont les installations les plus coûteuses en investissement (1100€/tonnes de déchets) et en fonctionnement (70 à 200€/tonne, sans le transport)
- Non ! Parce qu’ils brûlent des déchets en mélange ; même les incinérateurs dits « de dernière génération » fabriquent, concentrent et diffusent inévitablement des substances toxiques dans l’environnement, 365 jours par an pendant 40 ans, avec des effets néfastes sur la santé humaine, les produits agricoles et d’élevage.
- Non ! L’incinération détruit des matières recyclables. L’argument de récupérer de la chaleur, par exemple pour alimenter un chauffage urbain est fallacieux : recycler les produits de nos poubelles économise plus d’énergie que celle qui est produite en les brûlant.
- Non ! Les incinérateurs produisent eux-mêmes des déchets ultimes hautement toxiques, liquides (lixiviats) et solides (cendres, mâchefers=300 kg / tonne traitée), stockés en décharges. Les résidus d’épuration des fumées doivent être transportés sur le continent et enfouis en sites spécifiques pour produits très dangereux.
- Non ! L’incinération ne peut en aucun cas être le complément d’un système de tri sélectif. Pour brûler des biodéchets, il faut impérativement y ajouter des produits à haut pouvoir calorifique, notamment tous les plastiques, papiers, cartons. Cette technologie empêche le développement d’un tri /recyclage efficace : les contribuables sont une nouvelle fois pris au piège.
La situation d’urgence n’impose-t-elle pas le TMB ou l’incinération ?
Non ! Les délais de montage de ces projets industriels complexes, recherche de sites, procédures administratives, puis construction et mise au point des installations, prennent au minimum 4/5 ans. La mise en place d’une Stratégie ZERU FRAZU, ZERO DECHET, ZERO GASPILLAGE prend environ un an, avec un investissement dans l’humain par la création d’emplois locaux : six fois plus que l’incinération et vingt fois plus que la mise en décharge (Source Rémy Le Moigne, expert en économie circulaire).
Pourquoi les lobbys des industriels et des transporteurs font-ils le forcing pour imposer les solutions industrielles, TMB, TVME et incinération ?
AFIN DE CAPTER LA RICHESSE DANS NOS POUBELLES. Avec des ordures brutes les intermédiaires, transporteurs et industriels engrangent le maximum de bénéfices. En effet traitement et transport sont facturés au poids, notamment celui des déchets humides : ainsi le contribuable paye l’eau, qui va s’évaporer, au prix des déchets !
AFIN D’EMPECHER TOUTE SOLUTION ALTERNATIVE ET PRESERVER LEUR RENTE.
Pour des raisons techniques et de rentabilité ces installations doivent impérativement être approvisionnées par un flux important et constant de déchets. Cela bloque toute politique de réduction et de tri/recyclage. Cela exigerait, spécifiquement en Corse, de financer des installations surdimensionnées par rapport aux besoins des habitants, pour être en mesure d’absorber l’augmentation des déchets en période estivale où la population est multipliée par dix. Cela impliquerait aussi d’importer des déchets pendant le reste de l’année.
Peut-on au final se passer totalement de centres d’enfouissement ?
Non ! Les sites actuels suscitent avec raison le rejet des riverains, parce qu’ils réceptionnent d’énormes quantités de déchets mélangés malodorants et toxiques. Pour que de nouveaux sites soient acceptables, la seule solution est de faire progresser le tri à la source, grâce aux collectes sélectives en porte à porte, et de réserver l’enfouissement aux seuls déchets vraiment résiduels, inertes, inodores et non toxiques.
La crise actuelle des déchets est une chance à saisir ! L’expérience des collectivités investies dans la démarche Zéro Déchet doit enfin conduire tous les décideurs à faire sans tergiverser le seul choix techniquement efficace et économe pour le contribuable : mettre en œuvre la stratégie ZERU FRAZU, ZERO DECHET, ZERO GASPILLAGE.
Une mobilisation générale des élus et des citoyens peut faire de la Corse la première région à développer une politique intégrée exemplaire. Cet objectif est à notre portée !
Février 2017