Thierry Gonzalez y tient. Depuis le début de l’entretien, il a dû répéter vingt fois : « Surtout vous mettez mon nom. Il ne faut surtout pas qu’ils puissent dire que vous avez inventé… » Celui qui a été condamné à 7 ans de prison en mars 2010 pour une tentative d’attentat commise en 2007 à Tiuccia veut absolument témoigner à visage découvert. Et ceux qu’ils désignent par « ils » ne sont pas très nombreux. Juste le directeur de la prison de Borgo et un gradé (un capitaine) de l’établissement.
« Il faut que les gens sachent comment ça se passe à l’intérieur » martèle-t-il, apparemment indifférent aux conséquences de sa prise de parole. Thierry Gonzalez est ce que l’on pourrait appeler une « forte tête ». Dans le courant de l’été 2010, alors qu’il n’est pas encore jugé, il rompt l’obligation de résider à Paris, rentre à Porto-Vecchio et entame une grève de la faim. Voyant que sa démarche n’aboutit pas, le 25 octobre de la même année, il sonne à la porte de la gendarmerie et annonce « C’est le bagnard ».Quelques jours plus tard, devant le juge des libertés et de la détention, il coupe la parole à la représentante du parquet. « Vous allez demander que je retourne en prison. C’est ce que je demande aussi… »
En mai 2011, il est l’un des premiers « rapprochés » à Borgo, après les discussions entre les élus de Corse et le garde des Sceaux, Michel Mercier. Un an et demi plus tard, il fait un bilan amer. Il fait partie de ceux qui ont lancé la « grève des parloirs » et s’en explique.
« Au départ, nous avions l’autorisation d’apporter des thermos de café, des biscuits, parfois des gâteaux que nous faisions nous-mêmes, pour nos familles », se rappelle-t-il. « Puis le directeur a décidé que plus rien ne devait descendre de la détention. Il a affirmé que des choses « remontaient ». Nous avons protesté, discuté, il y a eu une première réunion », poursuit-il.
À l’issue de cette rencontre, il est décidé d’installer des distributeurs de boissons chaudes et de friandises au parloir. « En fait, ils ont été installés à l’extérieur. Ce qui veut dire que si quelqu’un veut prendre quelque chose au distributeur, les détenus doivent remonter en détention, puis attendre pour revenir que la porte soit à nouveau fermée. Bref, personne ne s’en sert… », explique-t-il.
Les familles humiliées
Nouvelle protestation, nouvelle réunion. « Le directeur nous a dit « C’est comme ça » alors nous avons décidé de nous passer de parloirs »assure Thierry Gonzalez. En fait, les 41 détenus (qu’ils soient « politiques » ou « droits communs ») décident de boycotter les parloirs, la cantine* et les activités. Le mouvement de protestation ne nuit, en fait qu’à leur qualité de vie. Mais on est dans une lutte de pouvoir.
Dans ce huis clos, tout le monde trinque. Y compris les familles.
« Lors du premier parloir des détenus qui ne pratiquent plus le boycott, les femmes, les grands-mères les enfants ont été cernés par les gendarmes mobiles qui ont fait mettre tout le monde à poil. Pour rien », enrage Thierry Gonzalez
« Provocation »
Il liste pêle-mêle les humiliations et les brimades quotidiennes : nourriture périmée sur les plateaux-repas, hygiène aléatoire, détenus à qui on affirme que les enfants n’ont plus de permis de visite. Les familles à qui on promet d’accepter un document ou un objet puis qu’on rembarre en disant « Vous n’avez qu’à le donner au parloir ».
Des choses mises bout à bout qui rendent la vie insupportable. « Lorsque Charles Santoni a été condamné au cachot, ils passaient devant sa porte en sifflant la Marseillaise. Pour le faire craquer »,relate Thierry Gonzalez. Lui-même a pu constater qu’une note à l’attention du juge antiterroriste de l’application des peines signale qu’il « refuse les plateaux-repas ». « C’est faux s’insurge-t-il. Mais refuser les plateaux est passible de sanction. » Avisé qu’il avait une permission la veille de sa sortie pour la Toussaint, il s’est vu refuser 150 euros (pris sur son pécule), au cas où il devrait prendre un train. On m’a dit ironiquement « Si jamais vous n’avez qu’à revenir… » Un membre de sa famille confirmait hier : « Un surveillant a dit à Thierry que c’était un ordre direct du directeur, qu’il ne fallait pas qu’il s’en prenne à tout le monde. »
Ces vexations à répétition, Thierry Gonzalez les assimile à des « provocations ». « Je pense qu’ils espèrent que l’un d’entre nous pète un câble pour nous renvoyer tous sur le Continent »,analyse-t-il. « Je suis condamné. je purge ma peine, mais il y avait plus de respect pour les personnes à Fleury-Mérogis qu’ici »,note-t-il.
Alors, avant que la situation ne dérape complètement, il a décidé de parler. Ouvertement. Parce qu’il en a marre de se demander tous les matins « qu’est-ce qui va m’arriver aujourd’hui ?» Il envisage même la perte de ses remises de peine avec fatalisme : « Quoi qu’il arrive, le 16 janvier 2015, ils seront obligés de m’ouvrir la porte… »
L’Associu Sulidarità a dénoncé à plusieurs reprises ces problèmes liés à la direction de la prison de Borgu
L’information Corse, Corsica Infurmazione
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